Budapest a de beaux restes, souriante et maussade, grise et indécise, derrière ses façades raides. Sa mémoire est d'Orient mais ses souvenirs sont allemands.
Nem ertem. J'aime à m'égarer dans la sonorité hongroise. Ferenc, Arpad et Joszef étanchent leur soif d'un vieux vin jaune. Szecessio est le mot qu'il faut. Il désigne l'art de rue d'une fin de siècle architecte.
Szecessio chante un matériau métis, mixte la géométrie, rythme les coloris de rotondes décaties. Les bulbes du Danube sont des baobabs de brique. La place Czervita est un débarras de marbre, un grand drap de pierres, une musique d'apparat. Ses vastes murs d'architecture sont impurs par nature.
dimanche 15 décembre 2013
samedi 7 décembre 2013
Justin, c'est Flaubert
Je suis triste car j'ai fini Madame Bovary. Je suis sonné par la vitalité d'Emma, sa vaillance sur le ring. Elle est dévorée d'un somptueux désir. La dame d'Yonville, à sang de paysanne, se jette à l'extrême bout du péril.
Une infime localité, médiocrement bourgeoise, enfante une femme brûlée, ficelée aux barbelés des ciels ardoise. Je ne distinguerai pas la Normande infidèle de Flaubert de la sublime Italienne, l'épouse trahie de La Peau Douce, le film de Truffaut.
Des deux rives de l'adultère, la femme se conduit en féroce guerrière. Elle ne fait pas de quartier. Elle n'endosse pas à moitié la véhémente querelle du sentiment.
Emma, c'est Flaubert. Tous les autres mentent, faute de grandiose attente. "Le plus médiocre libertin a rêvé des sultanes; chaque notaire porte en soi les débris d'un poète" (Madame Bovary, collection Pocket, page 401).
Non. Justin, c'est Flaubert. Justin, le petit commis du pharmacien, l'indicateur de destin. Justin, c'est Gustave à la plage, dans ce trou de bord de mer, sacrifiant l'ennui à la tyrannie du rien, à l'épiphanie du charme vénérien. Là, il voit Za. Apprivoise Elisa.
"Sur la fosse, entre les sapins, un enfant pleurait agenouillé" (page 466). Les sanglots de Justin tracent le nom de Flaubert au bas des couleurs du tableau, authentifient le signataire de l'ouvrage.
Une infime localité, médiocrement bourgeoise, enfante une femme brûlée, ficelée aux barbelés des ciels ardoise. Je ne distinguerai pas la Normande infidèle de Flaubert de la sublime Italienne, l'épouse trahie de La Peau Douce, le film de Truffaut.
Des deux rives de l'adultère, la femme se conduit en féroce guerrière. Elle ne fait pas de quartier. Elle n'endosse pas à moitié la véhémente querelle du sentiment.
Emma, c'est Flaubert. Tous les autres mentent, faute de grandiose attente. "Le plus médiocre libertin a rêvé des sultanes; chaque notaire porte en soi les débris d'un poète" (Madame Bovary, collection Pocket, page 401).
Non. Justin, c'est Flaubert. Justin, le petit commis du pharmacien, l'indicateur de destin. Justin, c'est Gustave à la plage, dans ce trou de bord de mer, sacrifiant l'ennui à la tyrannie du rien, à l'épiphanie du charme vénérien. Là, il voit Za. Apprivoise Elisa.
"Sur la fosse, entre les sapins, un enfant pleurait agenouillé" (page 466). Les sanglots de Justin tracent le nom de Flaubert au bas des couleurs du tableau, authentifient le signataire de l'ouvrage.
jeudi 5 décembre 2013
La dorure d'une idole
Tapage au trépas de Mandela. Barouf, esbroufe. Unanimité des pipeules, bavards comme des pies.
A l'heure où le sympathique jazzman de la fraternité humaine prenait congé des caméras, je lisais la passion Léon d'Emma Bovary.
Flaubert craint la première discordance, la moindre fausse note, dans le culte du dieu vivant. "Il ne faut pas toucher aux idoles: la dorure en reste aux mains" (page 391, collection Pocket).
De Gaulle, lecteur de Flaubert, prévenait ses thuriféraires: "Le prestige ne peut aller sans mystère, car on ne révère pas ce que l'on connaît trop bien. Tous les cultes ont leurs tabernacles et il n'y a pas de grand homme pour ses domestiques"(Le Fil de l'épée).
A l'heure où le sympathique jazzman de la fraternité humaine prenait congé des caméras, je lisais la passion Léon d'Emma Bovary.
Flaubert craint la première discordance, la moindre fausse note, dans le culte du dieu vivant. "Il ne faut pas toucher aux idoles: la dorure en reste aux mains" (page 391, collection Pocket).
De Gaulle, lecteur de Flaubert, prévenait ses thuriféraires: "Le prestige ne peut aller sans mystère, car on ne révère pas ce que l'on connaît trop bien. Tous les cultes ont leurs tabernacles et il n'y a pas de grand homme pour ses domestiques"(Le Fil de l'épée).
La réunion, la télévision
Le travail à plusieurs dure des heures. Il produit du temps mort. On baptise réunion un théâtre de chaises et de table, un fleuve de paroles frivoles. La réunion est une récréation, une oisiveté, un gros mensonge.
La pratique du travail en tas s'apparente à une sorte de yoga. Elle exhorte au désoeuvrement en bande. Cet empêchement de faire est une arme de guerre destinée à contrarier la productivité solitaire.
La réunion est le plus petit commun dénominateur de la rivalité ordinaire. Elle organise un surplace, installe une paresse nécessaire, jette un voile d'immobilité sur l'hostilité.
Plus tard, le soir. La télévision est la réunion de la maison. C'est un loisir facile visant à différer l'effort de faire. Elle dispense pareillement de la souffrance d'un savoir-faire. La télévision n'exige pas de formation. On abuse de la réunion, on se bourre de télévision, comme d'un stupéfiant. L'anesthésie est la meilleure stratégie d'évitement des douleurs de la vie.
La pratique du travail en tas s'apparente à une sorte de yoga. Elle exhorte au désoeuvrement en bande. Cet empêchement de faire est une arme de guerre destinée à contrarier la productivité solitaire.
La réunion est le plus petit commun dénominateur de la rivalité ordinaire. Elle organise un surplace, installe une paresse nécessaire, jette un voile d'immobilité sur l'hostilité.
Plus tard, le soir. La télévision est la réunion de la maison. C'est un loisir facile visant à différer l'effort de faire. Elle dispense pareillement de la souffrance d'un savoir-faire. La télévision n'exige pas de formation. On abuse de la réunion, on se bourre de télévision, comme d'un stupéfiant. L'anesthésie est la meilleure stratégie d'évitement des douleurs de la vie.
mercredi 4 décembre 2013
Refonder, relire, revisiter
Le ministre veut refonder l'école. Recréer l'odeur de craie. Réinventer l'excellence. Restaurer la République des préaux. Repartir de zéro.
On refonde l'école comme on relit Proust. L'escroquerie intellectuelle se ramasse à la pelle. On va refaire la dictée sans faute. On saute le chapitre premier, on revisite ce qui n'a jamais été visité. Le ministre n'a jamais feuilleté La Recherche.
Les faux bâtisseurs se maquillent en reconstructeurs. Les amateurs d'esbroufe se disent relecteurs de Joyce. La République échappe à toute logique. N'avoir jamais lu n'interdit pas de relire.
On refonde l'école comme on relit Proust. L'escroquerie intellectuelle se ramasse à la pelle. On va refaire la dictée sans faute. On saute le chapitre premier, on revisite ce qui n'a jamais été visité. Le ministre n'a jamais feuilleté La Recherche.
Les faux bâtisseurs se maquillent en reconstructeurs. Les amateurs d'esbroufe se disent relecteurs de Joyce. La République échappe à toute logique. N'avoir jamais lu n'interdit pas de relire.
mardi 3 décembre 2013
Hongroise
On a balayé les feuilles dentelées qui faisaient d'un trottoir violet une sorte de ciel étoilé. Un soleil d'hiver a rougi la pierre.
Je malaxe le Routard, accordéonise ses pages d'encre noire. J'imagine la Hongrie à ma fantaisie. J'invente Budapest en marge du texte. Juste un mot. Hongroise est un songe.
C'est une lueur de cheval hongre dans une pénombre villageoise. Je me rappelle les rondes enfiévrées du Psaume Rouge de Jancso.
Lauren Bacall m'a dédicacé son livre de cicatrices. C'était un jour d'automne, dans la librairie de Chardonne, la boutique Delamain des cognacs de Saintonge. Je me suis raconté une histoire de regard magyar. Sa mère était roumaine, son père polonais. Le diable est dans les détails d'Europe centrale.
Je malaxe le Routard, accordéonise ses pages d'encre noire. J'imagine la Hongrie à ma fantaisie. J'invente Budapest en marge du texte. Juste un mot. Hongroise est un songe.
C'est une lueur de cheval hongre dans une pénombre villageoise. Je me rappelle les rondes enfiévrées du Psaume Rouge de Jancso.
Lauren Bacall m'a dédicacé son livre de cicatrices. C'était un jour d'automne, dans la librairie de Chardonne, la boutique Delamain des cognacs de Saintonge. Je me suis raconté une histoire de regard magyar. Sa mère était roumaine, son père polonais. Le diable est dans les détails d'Europe centrale.
lundi 2 décembre 2013
L'homme est une épaule
On a mendié l'accès des Amandiers. On s'est livré les premiers au sourire du portier. On a garé nos fessiers.
Pascal Greggory est une sorte de grizzli. Son bras menace l'infini. Sa nuque repose sur l'omoplate. La courbure indique une blessure de trottoir. La diction sonne comme une malédiction. Chéreau mâche ses mots, rumine une famine.
La Solitude est un monologue de rue, une apparence de roc fendu, une habitude de parler brut. La nuit précise l'indécise ressemblance des sosies. L'heure est aux corps qui s'empoignent.
Ils jettent des syllabes, du sable sur les plaies. Les mots sont des brûlures sur les os. L'homme est une épaule, un portique au manteau sans écho.
Ils se frôlent entre deux halls. Ils dansent sur une absence, tournoient dans l'embarras. Ils se ruent dessus, se rouent de coups, se rient de la cérémonie. La rudesse de Koltès est tassée dans un texte sans vieillesse.
Pascal Greggory est une sorte de grizzli. Son bras menace l'infini. Sa nuque repose sur l'omoplate. La courbure indique une blessure de trottoir. La diction sonne comme une malédiction. Chéreau mâche ses mots, rumine une famine.
La Solitude est un monologue de rue, une apparence de roc fendu, une habitude de parler brut. La nuit précise l'indécise ressemblance des sosies. L'heure est aux corps qui s'empoignent.
Ils jettent des syllabes, du sable sur les plaies. Les mots sont des brûlures sur les os. L'homme est une épaule, un portique au manteau sans écho.
Ils se frôlent entre deux halls. Ils dansent sur une absence, tournoient dans l'embarras. Ils se ruent dessus, se rouent de coups, se rient de la cérémonie. La rudesse de Koltès est tassée dans un texte sans vieillesse.
Inscription à :
Articles (Atom)