Je sors du métro. Je viens d'Orly. J'arrive de Palerme. J'ai choisi l'exil de Sicile. J'ai observé la France à distance.
La révolte de rue s'est nourrie de mots distordus. On a chanté La Marseillaise dans un haut lieu de prière. La laïcité s'est désacralisée. Une reine, un roi furent les compagnons de marche de la République. Marianne ne discrimine pas les monarques.
Les "même pas peur" de cortège aimèrent la police de gaieté de coeur. Le songe de bravoure est un mensonge qui s'ignore. La manchette de Charlie annonçait la couleur, de manière ostentatoire et guillerette: "journal irresponsable". Le devoir d'irresponsabilité a été respecté à la lettre. Au prix du sang.
Un chef de gouvernement, sanglé dans un imper à épaulettes, s'est décoiffé devant le peuple. Qu'est-ce au juste que "la hauteur de l'histoire" d'un peuple ? La martiale formulation du contentement de soi ? L'autosatisfaction, promue au rang des valeurs républicaines, ne grandit pas la nation souveraine.
Charlie vient de Charles. Le journal naquit en novembre de la mort de Charles de Gaulle. Je suis Charlie, fils de grand Charles.
La solidarité de foule masque un individuel sentiment de supériorité. Les marcheurs de la République s'étonnent à mots couverts de la bonté d'âme de leurs voisins de cortège. La marche silencieuse oscille entre une course à la bien-pensance et un palmarès de la résistance. La liberté d'expression souffre d'exceptions. Elle est couturée, raturée, caricaturée de partout.
samedi 17 janvier 2015
jeudi 8 janvier 2015
World Traits de Crayon
Voilez ce dessin que je ne saurais voir. Le dessin nu de Cabu est interdit dans la rue. Le trait de crayon est une femme qui reste à la maison. Ledit prophète s'obstine, crétinise des adeptes au pays du dernier roi guillotiné.
Deux types stoppent à l'Hebdo, froidement fusillent Charlot. Ils touchent au grand Duduche, Pilote dans l'avion. Leurs crayons sont des poteaux d'exécution. Fini de rire. Ils n'ont pas chipé mon pain au chocolat. Les moines-soldats canonnent un patrimoine.
Nos amis de Charlie sont des enfants de Charlot. Leurs crayons sont taillés comme des cannes d'acrobate. Leur Dictateur est une parodie de prophète tueur. Les enfants de Charlot se contenteront de sanglots.
La liberté est un grand mot. Il y a risque à s'en gargariser. Le rire est préférable car il désarme le diable. Le rire est le chef de famille des modestes sourires. Il est le propre des hommes doux, d'où qu'ils soient, mais debout. L'art de Charb est embué de larmes de rire.
Un dessin de Ruben Oppenheimer s'acquitte de la relève du matin. L'oiseau noir percutera les World Traits de Crayon, couleur d'espoir.
Deux types stoppent à l'Hebdo, froidement fusillent Charlot. Ils touchent au grand Duduche, Pilote dans l'avion. Leurs crayons sont des poteaux d'exécution. Fini de rire. Ils n'ont pas chipé mon pain au chocolat. Les moines-soldats canonnent un patrimoine.
Nos amis de Charlie sont des enfants de Charlot. Leurs crayons sont taillés comme des cannes d'acrobate. Leur Dictateur est une parodie de prophète tueur. Les enfants de Charlot se contenteront de sanglots.
La liberté est un grand mot. Il y a risque à s'en gargariser. Le rire est préférable car il désarme le diable. Le rire est le chef de famille des modestes sourires. Il est le propre des hommes doux, d'où qu'ils soient, mais debout. L'art de Charb est embué de larmes de rire.
Un dessin de Ruben Oppenheimer s'acquitte de la relève du matin. L'oiseau noir percutera les World Traits de Crayon, couleur d'espoir.
mardi 6 janvier 2015
Une majesté paresseuse
Le jour s'est à demi levé, a mis son tablier gris de cuisinière renfrognée, d'ouvrière malcommode. C'est un jour sans moquerie ni coloris. Je songe à Gracq dont j'ai fini le merveilleux récit.
Les péripéties d'une histoire chassent la beauté d'une épiphanie comme une vilaine monnaie. Le trot mécanique d'une stratégie réveille l'endormie en plein sommeil comme si la grimace d'une volonté tordait ses traits d'intacte majesté.
La messe, rue de Molitor, est recueillie comme une gosse orpheline, effacée comme un murmure, retenue comme un demi-sourire. La voix fraîche d'Agnès est un acquiescement rapide, le démenti mortel d'une fille.
Je sors sonné, résolument égaré, du bouquin blanc de Gracq. J'ai tardé. J'ai attendu la saison, saisi l'occasion d'une trouée du calendrier. Le Rivage des Syrtes jette un sort, bouge le corps, agite les peurs du lecteur. Le vieux Marino est un amiral somptueux. J'aime de Vanessa sa loi, les brumes matinales de Maremma. Relire la nuit fatale au palais, sans hâte, comme l'été, très exact, je le fais des sonorités de Mandiargues.
Blondin, critique à Rivarol, a fléché dans le mille, défini le style de métier, son genre de beauté: "Un imprécis d'histoire et géographie à l'usage des civilisations rêveuses".
Mais Gracq jette un bâillon sur la bouche à clairon. Gracq est autoritaire sur ce qu'il sait faire. S'il évoque Le Rivage des Syrtes, il s'exprime de la sorte: "J'aurais voulu qu'il ait la majesté paresseuse du premier grondement lointain de l'orage, qui n'a aucun besoin de hausser le ton pour s'imposer, préparé qu'il est par une longue torpeur imperçue " (En Lisant en Ecrivant, Librairie José Corti, 1951, page 216).
Les péripéties d'une histoire chassent la beauté d'une épiphanie comme une vilaine monnaie. Le trot mécanique d'une stratégie réveille l'endormie en plein sommeil comme si la grimace d'une volonté tordait ses traits d'intacte majesté.
La messe, rue de Molitor, est recueillie comme une gosse orpheline, effacée comme un murmure, retenue comme un demi-sourire. La voix fraîche d'Agnès est un acquiescement rapide, le démenti mortel d'une fille.
Je sors sonné, résolument égaré, du bouquin blanc de Gracq. J'ai tardé. J'ai attendu la saison, saisi l'occasion d'une trouée du calendrier. Le Rivage des Syrtes jette un sort, bouge le corps, agite les peurs du lecteur. Le vieux Marino est un amiral somptueux. J'aime de Vanessa sa loi, les brumes matinales de Maremma. Relire la nuit fatale au palais, sans hâte, comme l'été, très exact, je le fais des sonorités de Mandiargues.
Blondin, critique à Rivarol, a fléché dans le mille, défini le style de métier, son genre de beauté: "Un imprécis d'histoire et géographie à l'usage des civilisations rêveuses".
Mais Gracq jette un bâillon sur la bouche à clairon. Gracq est autoritaire sur ce qu'il sait faire. S'il évoque Le Rivage des Syrtes, il s'exprime de la sorte: "J'aurais voulu qu'il ait la majesté paresseuse du premier grondement lointain de l'orage, qui n'a aucun besoin de hausser le ton pour s'imposer, préparé qu'il est par une longue torpeur imperçue " (En Lisant en Ecrivant, Librairie José Corti, 1951, page 216).
lundi 5 janvier 2015
L'heure apéritive
Maman était crispée, inapaisée par l'instant, entravée d'un tourment. Papa marchait lourdement, commençait à buter sur les pavés saillants.
Au kiosque, derrière San Marco, à l'instar de la Félicité de Flaubert, nous idolâtrâmes l'effigie d'un oiseau bariolé, le perroquet de Baptisto, en verre de Murano.
Je jonglais avec les ruelles, désinvolte sherpa d'un dédale hivernal. Papa était radieux à l'image des lieux: "Tu es chez toi, ici !". Il corrigeait sa préalable interrogation en victorieuse exclamation.
Vittore Carpaccio s'était retranché à San Giorgio, barricadé derrière ses tableaux. Nous étions les invités d'une vision, d'un banquet de haute préciosité.
Dans un petit palais hospitalier, nous rangions nos habitudes, griffonnions une carte postale, sous l'impérieuse dictée des lumières de la lagune. On désertait le bonheur d'un parapet pour le velours d'un canapé. La télévision grésillait des souhaits compassés d'un président du siècle passé. On s'assemblait dans la chambre à guetter l'éternité d'une heure apéritive.
Au kiosque, derrière San Marco, à l'instar de la Félicité de Flaubert, nous idolâtrâmes l'effigie d'un oiseau bariolé, le perroquet de Baptisto, en verre de Murano.
Je jonglais avec les ruelles, désinvolte sherpa d'un dédale hivernal. Papa était radieux à l'image des lieux: "Tu es chez toi, ici !". Il corrigeait sa préalable interrogation en victorieuse exclamation.
Vittore Carpaccio s'était retranché à San Giorgio, barricadé derrière ses tableaux. Nous étions les invités d'une vision, d'un banquet de haute préciosité.
Dans un petit palais hospitalier, nous rangions nos habitudes, griffonnions une carte postale, sous l'impérieuse dictée des lumières de la lagune. On désertait le bonheur d'un parapet pour le velours d'un canapé. La télévision grésillait des souhaits compassés d'un président du siècle passé. On s'assemblait dans la chambre à guetter l'éternité d'une heure apéritive.
samedi 3 janvier 2015
Piketty et patata
Les médaillés ont disposé leurs souliers. Il est inutile d'offenser l'Etat, père Noël. Il distribue des rosettes à la Saint Sylvestre. Il jette ses breloques comme Marie-Antoinette ses brioches. Il y a des indigents pour ramasser des rubans.
"Les honneurs déshonorent; le titre dégrade; la fonction abrutit" (lettre à Guy de Maupassant du 15 janvier 1879, Bibliothèque de La Pléiade, Correspondance Tome V, page 501). Il suffit à Piketty d'être ahuri par l'économie.
Il écoute Flaubert à demi, décline le verre de la confrérie. Tintouin, ramdam du diable, barouf d'enfer, et Piketty et patata.
D'un livre posthume, j'extrais une vérité sans amertume, contractée en moins de dix mots: "On ne possède que ce à quoi on renonce" (Simone Weil, La Pesanteur et la Grâce, page 41, Librairie Plon, 1947). Plus que récipiendaire, Piketty préfère être milliardaire.
"Les honneurs déshonorent; le titre dégrade; la fonction abrutit" (lettre à Guy de Maupassant du 15 janvier 1879, Bibliothèque de La Pléiade, Correspondance Tome V, page 501). Il suffit à Piketty d'être ahuri par l'économie.
Il écoute Flaubert à demi, décline le verre de la confrérie. Tintouin, ramdam du diable, barouf d'enfer, et Piketty et patata.
D'un livre posthume, j'extrais une vérité sans amertume, contractée en moins de dix mots: "On ne possède que ce à quoi on renonce" (Simone Weil, La Pesanteur et la Grâce, page 41, Librairie Plon, 1947). Plus que récipiendaire, Piketty préfère être milliardaire.
vendredi 2 janvier 2015
Franche bastringue
Qui l'eût cru, à bouche que veux-tu, les voeux, dernières cartouches de l'à peu près président. Il siège derrière sa table rouge, pilote une voiture à pédales. Il bouge le volant avec ses bras ballants. Il s'est lassé du pédalo. Il fauche à Renzi sa Bugatti. Il a tiré au sort la place du mort: c'est l'audace.
On est bon. On tient bon. Les comptes sont bons. On travaille comme des Nègres à se dénigrer. On abuse de la franche bastringue du french bashing.
François, pas le pape mais l'homme des soupapes, s'échappe à grandes enjambées. Il pédale comme un malade. Il avance, la meute à ses trousses, comme s'il était l'os. François invente le socialisme avancé, respectueux du libéralisme avancé de Valéry l'Auvergnat.
Macron, le jeune d'âge, le pas idiot du village, se donne du Ricoeur à l'ouvrage. Il endimanche l'économie le jour du Messie. Il redémarre l'industrie avec des autocars de nostalgie. L'homme carbure au coup de jeune. L'audace de François galvanise une populace en émoi.
On est bon. On tient bon. Les comptes sont bons. On travaille comme des Nègres à se dénigrer. On abuse de la franche bastringue du french bashing.
François, pas le pape mais l'homme des soupapes, s'échappe à grandes enjambées. Il pédale comme un malade. Il avance, la meute à ses trousses, comme s'il était l'os. François invente le socialisme avancé, respectueux du libéralisme avancé de Valéry l'Auvergnat.
Macron, le jeune d'âge, le pas idiot du village, se donne du Ricoeur à l'ouvrage. Il endimanche l'économie le jour du Messie. Il redémarre l'industrie avec des autocars de nostalgie. L'homme carbure au coup de jeune. L'audace de François galvanise une populace en émoi.
Romanov 76
Je parle d'un temps où les vivants l'étaient. Dans un palace chic, nos verres se choquent. On sent l'hiver sur nos doigts solitaires. L'alcool d'un désert réchauffe l'atmosphère. On rit d'être en vie, serrés dans nos habits.
Je lis le nom des ingrédients de compagnie: mandarine andalouse, vodka russe, vin de Champagne, citron de Syracuse. On sourit au délice de calice. On s'y voit, déformés par la joie. On trinque à cinq. Le temps passe dans une fausse lueur de palace. On boit avec nos doigts, entre soi. La mort se mire dans des verres d'Italie.
On se penche sur eux comme sur les dieux du lieu. On manque d'eau. On s'accorde sur une double rasade. Nos têtes s'enfièvrent de mystère, tourbillonnent comme une neige légère. On se regarde d'une seule voix. Les yeux brillent au creux d'une absence. Ils emmagasinent une parole d'homme.
On claudique vers une sortie signalétique. Sur l'asphalte étourdi, dans la gadoue qui miroite, L'Olympia d'Eddy Mitchell ajoute un incarnat de music hall à l'éternelle vodka.
Je lis le nom des ingrédients de compagnie: mandarine andalouse, vodka russe, vin de Champagne, citron de Syracuse. On sourit au délice de calice. On s'y voit, déformés par la joie. On trinque à cinq. Le temps passe dans une fausse lueur de palace. On boit avec nos doigts, entre soi. La mort se mire dans des verres d'Italie.
On se penche sur eux comme sur les dieux du lieu. On manque d'eau. On s'accorde sur une double rasade. Nos têtes s'enfièvrent de mystère, tourbillonnent comme une neige légère. On se regarde d'une seule voix. Les yeux brillent au creux d'une absence. Ils emmagasinent une parole d'homme.
On claudique vers une sortie signalétique. Sur l'asphalte étourdi, dans la gadoue qui miroite, L'Olympia d'Eddy Mitchell ajoute un incarnat de music hall à l'éternelle vodka.
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