lundi 30 mai 2011
Conversion
Depuis peu, j'ai changé mes yeux. Je vois ma mère autrement. Au plus près de sa mort, vers les derniers de ses vieux jours, elle m'a converti à sa religion du courage. J'ai succombé à sa douce ténacité. Contre vents et marées, elle résiste aux tourments du grand âge. Avec l'ardente énergie d'un regard ensoleillé. Soldate en première ligne, elle ne quitte pas la mitraille du front.
Marre des radars
Les radars des routes sont des pièges à renards. Ils flashent les intrépides Goupil, rois dans leur poulailler d'asphalte. Le renard répugne à la pédagogie. Le Schumacher des terroirs aussi. Il fonce tombeau ouvert, freine au voisinage des pièges à vitesse. Son addiction est d'appuyer sur le champignon. Il ne fait qu'une bouchée de la prudente volaille automobiliste. Vrai ? Faux ? Les experts s'étripent sur la question.
Reste que l'actuel barouf sur les triviaux radars lasse l'esprit au-delà du permis. Ce débat de bar-tabac sature l'espace des médias. L'idéal de la bagnole est glorifié comme jamais. Ce pays jadis réputé intellectuel se nourrit de bien pauvres querelles.
jeudi 26 mai 2011
Grande Arête
Staël ressemble à "Grande Arête", l'autre nom de "chouchonnet". Il est mort trop debout. Antibes, étape et dernier gong. Lumière de ping-pong. Titube, plein tube. Antibes et l'écarlate peinture.
Trop debout, Staël se jette sur la mer, sous une locomotive tombeau ouvert, lancée derrière la terre. "Grande Arête" a péri d'une traite. Odeur marine de térébenthine.
Acheté les "Lettres d'Espagne", format de petite poche, édité par Gustave. Tout va très vite. Rouge. Sur les chapeaux de rouge. Dernière visite au parloir.
mercredi 25 mai 2011
Murdoch et l'école
Rupert Murdoch n'en démord pas. Il a foi dans la religion numérique. Il croit dans ses actifs industriels. En quoi il rassure ses actionnaires. Mais le génial magnat des médias fustige l'école des pions, ignorante de ses champions. Alors patatras ! Il se fourvoie, confond la fin et les moyens, mélange l'ustensilaire et le scolaire. Car la technologie, nouvelle magie, ne réglera pas les inégalités sociales. Murdoch déraille quand il prétend que le logiciel d'un ordinateur "apprendra aux étudiants à penser par eux-mêmes". Le sémillant grand-père a des emballements de jeune homme, des ferveurs de premier communiant.
La valeur d'un enseignement s'apprécie sur la durée. Jésus de Nazareth jamais n'écrivit. Il se dispensa de la technologie des tablettes. En revanche, il privilégia corps et visage qui sont des technologies de la présence réelle. Il enseigna de vive voix. Avec un relatif succès.
Causerie
Le bleu du ciel est la couleur des yeux de Dieu. La joie est une lumière de femme fardée. Bristol. Palace. Balisage salle. Tables rondes comme des jonquilles écarquillées, garnies d'hommes gris. Jus, tasse, assiette. Jury d'estrade qui palabre. Causerie de compagnie. Tableaux destinés aux tablées. Les hommes sont gris, à l'économie, dans un coloris d'ennui. Ils mangent du pain, du beurre, dévisagent de bon coeur. Ils s'éclipsent comme la fin d'un songe.
vendredi 20 mai 2011
Nos jouets
La camaraderie est la juste distance entre un père et un fils. Quand j'observe sa photographie, longuement, à hauteur de front, je me convaincs que j'aurais bien aimé jouer avec lui. J'imagine que nous sommes assis sur le parquet, dans notre chambre, à échanger nos soldats, nos autos, nos jouets. Avec Hopi, le cocker qui sait l'itinéraire. Vers mes vieux jours, c'est cette complicité si spontanée qui va me manquer. Culottes courtes et carottes cuites.
"Au-delà des bornes"
La mondialisation a gommé les frontières. Les technologies de l'information s'en moquent comme d'une guigne. Exit la nostalgie des nations. On tire un trait sur les lignes de partage. On biffe les arabesques de la géographie. Aujourd'hui, le monde se pense en bloc sans jardiniers géomètres.
Joliment baptisée "troussage de domestique" par un ami de la famille, l'exaction supposée de M. Strauss-Kahn soulève la question des limites. Georges Pompidou aimait à citer le sapeur Camember: "Au-delà des bornes, il n'y a plus de limites". Si l'acte méprisable du notable du Sofitel est prouvé par l'enquête, alors on ne pourra pas ne pas l'identifier au vieux droit de cuissage d'un temps féodal.
Se pose alors la question de la délimitation entre cadre public et sphère privée qui concerne aussi bien le prince des médias que le gueux des trottoirs. La grande transparence Internet a brisé pareil marquage des territoires. Le succès des réseaux sociaux s'enracine dans l'aveu public de l'intimité. Ce brouillage des dichotomies ne touche pas seulement le couple privé/public. Il renvoie aussi à l'ancien partage nature/culture. Dans son ouvrage "Par-delà nature et culture" (Gallimard, 2005), Philippe Descola n'attribue ce découpage artificiel qu'à notre seule vision du monde occidentale, minoritaire parmi plusieurs autres toutes aussi légitimes.
De même, la paléoanthropologie nous enseigne que la distinction entre l'homme et l'animal ne va pas de soi. Enfin, la césure sexuelle en deux genres masculin/féminin est aujourd'hui interrogée. Autrement dit, nous vivons la fin du confort intellectuel des dichotomies.
C'est pourquoi "le coup de tonnerre" (qualification "solférinienne") de l'hôtel de Times Square, s'il ravive l'imaginaire simpliste de la dualité puissant/faible, riche/pauvre, blanc/noir, nous offre aussi l'occasion de réfléchir à la dissolution générale des frontières. Trancher dans le divers - pour mieux y voir - est un acte de boucher. Pas un geste de connaissance. Jamais une philosophie des "espaces flous" (concept mathématique) n'a été aussi nécessaire pour comprendre le monde.
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