mardi 28 novembre 2017

Meurisse, l’impérissable

Hier sur Arte, Le Deuxième Souffle. On célèbre Melville. Je n’ai vu que Paul Meurisse. On n’oublie pas Blot. Le commissaire tutoie le légendaire, fait écho dans nos mémoires.
La couleur n'était pas inventée. Les images étaient grises. Les histoires étaient noires. Les robes étaient blanches. Le cinéma était un divertissement de temps couvert. Il reproduisait le terroir granitique.
Paul Meurisse est un fils de Dunkerque. Il rêve d'Albuquerque. Il se terre clerc de notaire au pays des houillères. Sa vie est encastrée dans un cadastre.
Paul Meurisse est le plus grand acteur du siècle. A revoir "Quand passent les faisans", on se pince. Meurisse se hisse au plus haut. Aux autres laissent les os. Il rapetisse Serrault, fait oublier Blier. Il ringardise les plus sublimes. Robert Dalban est le lieutenant d'un monument. Yvonne Clech est "une sorcière aux dents vertes".
Audiard chaparde les mots du bistrot, volent dans les plumes de Céline. Il retouche Destouches.
Sur la nappe, il y a les acteurs, en vraie grandeur. Le film est un champ de menhirs à perte de rire. Audiard est cerné de phénomènes. Audiard fait parler les dolmens. Alexandre, Hyacinthe et Arsène.
Paul est pâle. Paul Meurisse a la délicatesse de la prestesse. Serrault est traité de "pithécanthrope de Rodez", Blier de "petit jouisseur". Les escrocs s'échangent des mots d'archanges. Deauville.  Il pleut des hallebardes. On ne voit pas Le Havre. Papa lit San Antonio dans son Wigwam. Le cinéma du Casino affiche "Le monocle rit jaune". Meurisse, l’impérissable.

dimanche 26 novembre 2017

Vers la mer

Vous connaissiez La Vague de Courbet et les ciels de Corot. Vous serez ébloui par la mer de Malherbe. Guy de Malherbe peint la lumière à pleine chair, aux premières loges du luxe littoral  et des beautés minérales.
Il expose à la Galerie La Forest Divonne (12 rue des Beaux-Arts 75006 Paris) jusqu’au 18 janvier 2018.


jeudi 23 novembre 2017

La fable de l'unanimité

Castaner est débonnaire. On le nomme vicaire de Jupiter. Il est le favori, le protégé, le planqué d’une Macronie, insoucieuse de démocratie.
Castaner est d’un commerce délicieux. Il arbore un poil réglementaire aux normes publicitaires. Le lieutenant tient lieu à tout instant. Il est souriant comme un premier communiant. Castaner a l’accent du terroir innocent. Il est affable au point de croire à la fable de l’unanimité.
C’est un marcheur, colporteur de bonheur, à godillots brevetés par le caudillo d’en haut, distributeur de selfies comme de sucreries.
Casta-nerfs les garde en toute occurrence. Il gère la maison d’Emmanuel en pépère Noël. Pour ce faire, il dispose de la légitimité robotique du mode de sélection soviétique. Macron et les siens fêtent à leur façon le centenaire de la belle Révolution d’octobre. Castaner parle avec naturel de l’essentiel. Il est l’homme de main des lendemains qui chantent, le légat du prolétariat, l’idéale doublure d’une réelle dictature des petites mains ouvrières. Autrement dit, le communisme de Macronie est au bout du fusil. C’est une pétoire à deux coups, deux révolutionnaires mandats.

mardi 21 novembre 2017

Dédicace et Cicatrice


La Cicatrice du Brave a été fêtée au Salon de l’Autre Livre. Les amateurs de vraie littérature se sont pressés devant le stand de 5 Sens Editions (https://catalogue.5senseditions.ch/fr/3-belles-plumes)
J’ai dédicacé de nombreux exemplaires de La Cicatrice, j’ai scarifié au feutre noir la trop blême page de titre. A vrai dire, je suis un auteur qui veut laisser une empreinte sur le papier.

mercredi 15 novembre 2017

Les borduriers ont soif

Lacroix déborde à l’aile, deux fois plante un essai, un poignard d’orfèvre dans la glaise zélandaise. Vitesse, hardiesse et petitesse. Lacroix l’échevelé rappelle Dominici le fêlé. Lilliput plonge dans l’en-but en bête féroce, rosse le gigantesque Black. Nos borduriers ont soif, savent changer l’aplomb en or massif. Voilà pour le quatorze de La Rochelle.
Je pose Lacroix, divise par deux. Je retiens zéro par le maillot. J’obtiens Macalou, le longiligne athlète du stade français, numéro sept. Il chaparde en touche comme un bandit de vieille souche. Il se rit de la rangée kiwi. C’est un flanker baroudeur, aussi flamboyant que le Magne d’antan ou le Rupert de naguère. C’est un fils du temps jadis.
Le Quinze de Novès a fait des prouesses. Il a échoué d’un fil. Il a cousu un jeu heureux, un rugby de preux, un bel ouvrage à la Villepreux. Les gredins de gradins ont chanté La Marseillaise avec une fière coloration lyonnaise. La clameur était à la hauteur. Devant pareil rugby, j’ôte mon képi.

jeudi 26 octobre 2017

La filiation Macron

Macron, en début de marche, penche la tête à droite. Le sac à dos du monarque pèse une tonne. Le chef randonneur déporte son bel objet de projet vers « les professionnels de la profession », les maîtres chanteurs à gros sous, les détenteurs de capitaux.
Sans doute scout à son heure, grand frère Emmanuel vient d’une gauche libérale rocardo-mendésiste (deux perdants jouissant d’un indiscutable prestige). D’instinct, il va son chemin vers une droite authentique, giscardo-barriste. La girouette de l’Elysée est orientée dans l’axe du vieux président auvergnat ; elle donne le la du début de quinquennat.
Ce gouvernement edouard-philippard sous-traite ses rudiments d’économie à l’excellent manuel du savant Raymond Barre. « Raymond la science » est toujours une bonne référence.
Autrement dit, Macron veut se faire bien voir du grand capital. Dans Macron, il y a Aron (deuxième Raymond). Car Macron admire Tocqueville, ne considère Marx que comme pluriel publicitaire de « marque ». Ce philosophe abscons, traduit de l’allemand, est vecteur de passions tristes. Emmanuel Macron est un Jean-Marie Messier parachevé, abouti, rajeuni. Il contracte son pedigree au minimum entrepreneurial. Inutile de bâtir (ou de démolir) Vivendi. Il saute la case industrie. La politique est un plat qui se mange chaud. Il est pressé de s’installer à l’Elysée.
Macron, libéral de gauche, est enraciné dans une culture de droite, la frange orléaniste, selon René Rémond (troisième et dernier Raymond, avec une faute d’orthographe). Les premiers mois de quinquennat témoignent d’une soif d’appartenance au gotha droitier, cette sorte de salon Guermantes, tant convoité du camp bourgeois Verdurin. A vrai dire, Macron se calque sur Giscard et Sarkozy, le grand et le petit. Mais à l’envers. Il marche à contre-sens.
Giscard était ébloui par les « valeurs » de Mai 68, la modernité de gauche véhiculée par L’Obs et Libé. Ses vraies réformes sociétales visaient à plaire au monde intellectuel, aux discutailleurs du Café de Flore, sans accointance droitière.
Sarkozy mimétique, copie le mandarin d’Auvergne à calvitie. Il rameute Kouchner, Besson, Jouyet, Hirsch et Amara. Il s’éprend d’une flopée de socialistes piaffants. Il s’entiche de Carla Bruni, fréquente une gauche caviar dernier cri. Il fait le forcing dans le vedettariat de gauche. L’irréfléchi petit président est flatté d’être entouré d’érudits, d’une compagnie de « belles personnes ». La gauche humanitaire ennoblit la droite épicière. Sarkozy se convertit à la stratégie des compassions bêlantes, des postures à la grenadine, des gestuels de bons sentiments. L’affichage du grand cœur est la faiblesse de l’apprenti réformateur.
Reste à bien observer Macron, à cerner son œil bleu roi, planté dans le prompteur d’un discours creux. L’œil est gros, très rond, comme celui d’un poisson sur le sable. Jean-Edern Hallier taxait Giscard de « colin froid ». Il y a de ça dans le faciès blême d’un président qui s’aime. Cet œil perdu, qui ne s’interdit pas le rictus, est plongé dans le vide. La joue se plisse d’un tic automatique. Hors bocal, Macron peut contempler l’horizon libéral. C’est un espace sidéral.
Mais il faut remonter plus haut, se souvenir de Chaban, déjà vieux, qui voulait faire jeune. Sa « nouvelle société », esquissée par Nora/Delors, constitua l’acte de naissance d’une gauche techno-mitterrandienne. Pompidou, ancré à droite, solide sur ses appuis, n’en croit pas ses yeux d’ancien banquier, de paysan madré. Il congédie Chaban illico presto. Il chasse un traître à son électorat.  Faut tenir ses promesses, Delmas.
Macron, dont le cœur de vote ne représente qu’un quart des bulletins exprimés en avril dernier, défie le noyau dur de ses partisans. Il le prend pareillement à rebrousse-poil. Mais il ne sera pas limogé puisqu’il chausse lui-même les bottes de président. Bien joué, Manu.
Reste une question embarrassante: qu’en pense le peuple, l’autre souverain, en attente de changement et de start-up épatantes ? Comme les vieux, rangés des voitures, les retraités cruciverbistes, ou les jeunes enfants désoeuvrés, il peut trouver le temps long.


samedi 21 octobre 2017

Louise, Emma, Gustave

C’est comme dans les interrogatoires de commissariat. Il faut des noms, plus exactement des prénoms. Il s’agit d’identifier la chair naissante, une marmaille innocente, les enfants qui entrent dans la danse.
Flaubert aimait les mots, pas du tout les marmots. L’ermite de Croisset exécrait la paternité. « Je n’ai jamais vu un enfant sans penser qu’il deviendrait vieillard, ni un berceau sans songer à une tombe ». Il a vingt-quatre ans.
Bovary est une marque connue des parents d’aujourd’hui. Flaubert importe peu. A quoi bon lire un furieux célibataire, endurci dans son génie ? Mais, ironie de l’histoire littéraire, ils nomment leurs jolies gamines, Louise et Emma, prénoms préférés des maternités. Louise Colet fut la seule maîtresse durable du mirobolant Gustave.
Bref, les familles de ces temps-ci privilégient Louise et Emma, les deux principales enquiquineuses de la vie de Flaubert.