jeudi 5 janvier 2023
Je suis morte à Niorte
Je suis native de Périgueuse. Je n’aime pas le pays. Affreux pays. A cause de son genre, son mauvais genre, vilainement masculin. En revanche, j’aime la France. Marianne. A cause de son identité féminine.
J’ai passé une enfance heureuse à Vénissieuse. J’ai fait de courtes études à Boulogne-Billancourte. J’ai passé une licence de cuisine à Sainte-Quentine. J’ai travaillé comme soubrette à Levalloise-Perrette. J’ai dealé des cerises à Sainte-Denise.
Quand je suis en goguette, souvent je m’arrête à Cholette, la cité des serviettes. J’apprécie les nuits frisquettes de Bourge Sainte-Mauricette. J’ai élevé des ânes à Perpignane. J’ai vécu loubarde à Montbéliarde. J’ai vécu sans stress, aux frais de la princesse, à Barre-la-Duchesse. Je suis morte à Niorte.
dimanche 1 janvier 2023
Au plus près du terrain
Le « terrain » est un lieu d’exotisme, peut-être même une utopie, une lointaine contrée inexplorée, sans doute une vue de l’esprit, située au bout du monde ministériel. Il fascine le souverain qui soliloque ses vœux du trente-et-un. L’homme fenêtre de la saint Sylvestre exprime le souhait de s’encanailler dans les bourbiers, de s’introduire « au plus près du terrain ».
A vrai dire, le terrain était demeuré une terra incognita du premier mandat. Mais depuis Mbappé au Qatar, le prince sait désormais fouler les terrains sans crier gare. Il a compris que le terrain est aux politiciens ce que l’atome est aux physiciens. Il lui appartient de s’aventurer toujours plus loin dans les mystères de la boueuse matière humaine. Il lui incombe d’aller débusquer les neutrinos du terrain, de percer le secret des portées d’engueulade.
Les ploucs et les sous ploucs, qui gîtent au diable dans des coins paumés, peuplent un terrain merdique, inflammable à la première connerie, à la première ânerie de petit marquis de l’Ena.
Ces ethnies de la périphérie se lassent des selfies des explorateurs de la préfecture. Les analphabètes photographiés par les messieurs des ministères, en service commandé de tourisme humanitaire, s’impatientent un peu. La gent illettrée des pourtours d’Elysée ne se satisfait pas des seules joggings républicains, des pieuses marches blanches du dimanche.
Le terrain, c’est comme l’atome. A vouloir le taquiner, on s’expose à des risques de fission. Quand on le casse, lui casse les pieds, l’enquiquine à l’excès, quand on roule le boulanger dans sa propre farine, il déferle en nombre dans les cités, s’éparpille dans les centres-villes comme un peuple illégal d’immigrés indésirables.
samedi 31 décembre 2022
Etonnez-moi, Benoît
Benoît, au faux air de Radzinger, a déréglé l'horlogerie de Saint Pierre. L'évêque de Rome, vieillard cacochyme, lève le camp du Vatican. Il quitte la fête. Il a toute sa tête, toujours bien faite. L'homme de l'universel se résume à son missel.
Le coup du père Josef est une détonation dans le ciel des nations. Le prélat veut le cloître plus que la gloire. Nul n'est moins roi que l'humble Bavarois. Il veut mourir à Colombey, à l'ombre d'une destinée.
Il se dépouille des parures de pouvoir. "Je cesse d'exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd'hui à midi". C'est la traduction gaullienne du latin papal. La mort volontaire - pardon, la démission de Benoît rappelle la désarmante économie de moyens du communiqué gaullien.
Dans sa retraite, ou plutôt sa cachette, Josef comme Charles, jettera des mots sur une page éphémère, griffonnera des prières, loin des regards planétaires.
Vitraux à lumière jaune acide. Les pèlerins recueillis se serrent la main. Les prie-Dieu crissent au son des syllabes latines. Les nonnes chantent avec une lente sauvagerie. La pureté se dessine dans l'été. La paix du coeur se mesure à l'épaisseur du silence. Benoît est un roi dont la règle va de soi.
En deux temps trois mouvements, cent quinze hommes d’église se sont donnés un chef spirituel. L’assemblée nombreuse des hiérarques catholiques n’a pas succombé à la tentation de la zizanie, à la séduction du débat querelleur, aux penchants polémiques de la discorde. Elle s’est rangée autour d’un pape, lumineux d’intelligence. A vrai dire, la paix stupéfiante du conclave interroge nos conduites quotidiennes, à commencer par la violence factice de nos réunions usuelles, des échanges d’opinions entre nous.
L’homme de haute sagesse, qui s’est imposé avec style, s’appelle Benoît. J’ouvre le dictionnaire. Je lis : « Benoît: bon et doux ».
On dit Benoît XVI conservateur. On lui prête ce péché mortel. A mes yeux, un secret, a fortiori un mystère, on le garde. En cela, le pape Ratzinger est conservateur. Dieu merci.
On aime la Méditerranée pour sa lumière, cette tonalité du jour qui imprime aux couleurs du paysage leur troublante majesté. On aime la science pour ses lumières, cette rigueur de la raison qui pratique la vérité avec vertu et beauté de théorème.
Mais on aime Dieu en sa qualité de « lumière véritable qui éclaire tout homme en venant dans le monde ». A Noël, Benoît XVI a rappelé avec une simplicité de grand théologien que tous les feux de joie ne procédaient que d’une même étoile : « la petite flamme de la bonté de Dieu ».
Benoît XVI apprécie la culture française en épicurien de l’esprit. Ce pape mozartien a lu Bernanos et Claudel, « Sous le soleil de Satan » et « Le soulier de satin ». Il nous rend une visite d’aimable voisinage. A cette occasion, il souhaite raffermir la foi vacillante d’une nation paresseusement catholique. Il veut aussi rappeler notre glorieux pays à ses devoirs intellectuels. Il s’adresse à l’intelligence, à la science, aux travailleurs de la preuve. Il accorde la primauté à la raison. Il appartient aux universités de France, aux communautés savantes, aux chercheurs des laboratoires comme à l’honnête homme du XXIème siècle, d’en prendre de la graine. A chacun, il restitue sa dignité spirituelle.
Le pape allemand a imposé en douceur sa dilection pour les textes lumineux, denses de sens. Sa pédagogie ferme et sereine a instruit le cœur et l’esprit des foules ferventes.
La méditation papale a scandé le temps de nos vies au rythme d’une majestueuse spiritualité. Cette invitation au voyage intérieur rompt avec les bruits ordinaires de l’époque. L’homme de Dieu a touché juste. Sa présence apaisante nous manque déjà. Le monde des criailleries a repris.
« Etonnez-moi, Benoît ». Je pense à la chanson que Modiano écrivit pour Françoise Hardy. Mission accomplie.
Un fragment du texte est extrait de « Dancing de la marquise » (5 Sens Editions, page 97, 2020).
https://catalogue.5senseditions.ch/fr/poesiereflexiontheatre/322-dancing-de-la-marquise.html
jeudi 29 décembre 2022
La fin des haricots (3)
Le sujet, c’est l’envie d’écrire, de faire luire la phrase comme on frotterait des pièces d’argenterie. En chemin, j’ai rencontré le président Macron, les gilets jaunes, le virus de Chine, la guerre. Grand chemin, semé de bandits.
Certains de mes livres trouvent une issue littéraire dans la mémoire, des souvenirs recomposés, une vie morte reconstituée. D’autres s’imposent à moi, heurtent de plein fouet une écriture, se présentent tels quels comme des modèles à figurer.
Ce sont des croquis d’aujourd’hui, extérieurs au for intérieur. « La fin des haricots » en prolonge les traits, fait écho à l’art des portraits. Il appartient au deuxième style, rosse et féroce. Car je ne considère pas comme fortuit le mot rire dans celui d’écrire. Rire et écrire procède du même élan, du même tourment, d’un même ricanement.
Ce dixième ouvrage se situe dans le droit fil d’un premier livre consacré à de Gaulle. Il témoigne d’un retour aux sources. Il s’affiche comme la chronique urticante d’un fiasco national.
Les personnages publics dont j’évoque les agissements fugitifs, dont je mentionne les noires impérities, obéissent au monde enfantin de la bande dessinée.
A vrai dire, j’observe un théâtre, non pas absurde mais burlesque, où l’acteur au pouvoir endosse la caricature comme une deuxième nature. Je regarde comment s’agitent les chefs à savoir bref.
Ce livre n’appartient à aucun genre bien défini. Un peu pamphlet, un peu essai littéraire, peut-être les deux à la fois, il dessine la tragi-comédie du pouvoir. Il s’est écrit à mon insu, tout seul, sans que je le veuille. Là, je parle du livre, comme d’un bloc unitaire. Mais la phrase, je l’ai voulue, désirée, convoitée, courtisée. Il n’y a pas d’histoire. Mais toujours une couleur, faite de consonnes et de voyelles. Et une couleur, c’est beaucoup plus important qu’une histoire. Car je crois que l’imagination la plus pure, c’est de voir de la couleur dans une phrase, dans une écriture, dans un livre.
Du ressenti, du subjectif, de l’arbitraire : l’écrit le revendique ici. J’invente au besoin, j’affabule à plaisir. J’observe la gesticulation du pouvoir avec compassion, mépris et moquerie. L’actuelle gestuelle mécanique du pouvoir, à cadence saccadée, renvoie à des saynètes d’un cinéma disparu, aux délires de Louis de Funès, Tati, Chaplin, Keaton, Sennett ou Harold Lloyd. Le genre politique selon Macron ressortit de l’art burlesque.
J’écris à la recherche de quelque chose. Je suis un désir dans un désert. Je suis à la remorque de ce désir d’écrire. Alors savoir si c’est un roman, un essai, un pamphlet, à vrai dire je n’en sais rien. Je sais seulement que le désir est impérieux, qu’il exerce un empire ravageur sur mon écriture, qu’il frappe toute laborieuse volonté d’un dédaigneux coup de vieux.
Une fois le livre achevé, j’ai été saisi par un vers de Pasolini qui m’a émerveillé : « La connaissance est dans la nostalgie » (Adulte ? Jamais).
Oui, mes haricots témoignent d’un cri qui est celui de la nostalgie. Un cri de scrogneugneu. Avant, c’était mieux. Il y avait davantage de soin dans le travail ouvragé. L’éditrice du livre m’a confié que le livre « ne manquait pas d’humour ». On attribue souvent à Boris Vian une phrase qui appartient à Chris Marker, le poète cinéaste : « L’humour est la politesse du désespoir ». Cette politesse du désespoir, je l’ai baptisée, moi, avec mes propres mots : « la fin des haricots ».
Bref, j’ai écrit tous les jours des bouts de phrases. A force, cela a représenté une centaine de pages. C’est généralement la taille de mes livres. J’ai relu l’ensemble. Et j’avais l’impression que "ça tenait ». Je n’ai pas projeté au départ que je voulais écrire ce livre. Pour moi, c’était une récréation, un divertissement. Une manière de retarder les échéances. Avant de passer aux choses plus sérieuses, à ce livre auquel je pense un peu tous les jours, celui-là voulu et bien voulu, un livre sur l’écriture, la solitude, le style, le théâtre. J’ai le titre, obsessionnel: « Une manière d’être seul ». Mais je ne sais pas si je suis capable de l’écrire, ce livre. Quand j’écris, j’ai finalement l’impression d’être à ma place. La difficulté est d’y rester.
mercredi 21 décembre 2022
La fin des haricots (2)
Certains de mes livres trouvent une issue littéraire dans la mémoire, des souvenirs recomposés, une vie morte reconstituée. D’autres s’imposent à moi, heurtent de plein fouet une écriture, se présentent tels quels comme des modèles à figurer.
Ce sont des croquis d’aujourd’hui, extérieurs au for intérieur. « La fin des haricots » en prolonge les traits, fait écho à l’art des portraits. Il appartient au deuxième style, rosse et féroce. Car je ne considère pas comme fortuit le mot rire dans celui d’écrire. Rire et écrire procèdent du même élan, du même tourment, d’un même ricanement.
Ce dixième ouvrage se situe dans le droit fil d’un premier livre consacré à de Gaulle. Il témoigne d’un retour aux sources. Il s’affiche comme la chronique urticante d’un fiasco national.
Les personnages publics dont j’évoque les agissements fugitifs, dont je mentionne les noires impérities, obéissent au monde enfantin de la bande dessinée.
A vrai dire, j’observe un théâtre, non pas absurde mais burlesque, où l’acteur au pouvoir endosse la caricature comme une deuxième nature. Je regarde comment s’agitent les chefs à savoir bref.
L’ouvrage vient de paraître. Il est disponible à l’adresse suivante :
https://catalogue.5senseditions.ch/fr/home/518-la-fin-des-haricots.html
vendredi 16 décembre 2022
Quatre hermaphrodites
L’école mélange les filles et les garçons dans ses classes de sales gosses. Les ministresses ne sont plus des potiches décoratives dans nos audacieux gouvernements d’extrême centre. Borne est davantage qu’un ornement.
Seuls les territoires à pognon de dingues, les conseils de grands sachems du CAC 40, se barricadent encore. Pas touche au viril grisbi !
Le sport, autre lieu de la thune décomplexée, pratique l’apartheid des sexes, avec la même désinvolture qu’un fait de nature. Mais c’est idiot de composer deux équipes uniformément genrées. Une seule suffit, métissée d’hommes et de femmes.
La bande des onze qui zigzaguent sur une pelouse devrait se conformer à la règle égalitaire suivante : cinq femmes, un hermaphrodite, cinq hommes. Avec un banc de touche de quatre hermaphrodites.
mardi 13 décembre 2022
DécemBRRR...
Quand on veut, on peut. La planète refroidit. On respire mieux. On tousse. Il fait un froid de gueux. On est heureux. Désormais, le réchauffement des pôles est une vieille lune, une tracasserie d’antan. La brave éolienne a terrassé le dragon torride. La fin du diésel a eu raison de la moiteur tropicale.
On a bien travaillé, les gars. Les présumés gars, pour parler comme il faut, comme le font les danseurs de tango de science-po. On se rapproche de sa cavalière, on oublie les gestes barrière. Pardon.
On est bien à se geler les doigts de pied. On se tricote des chandails en laine de Ségolène. C’est elle, la reine de la cop 21 qui nous a sauvés du désert et des étés incendiaires. La niaque du Giec a payé. La nouvelle ère glaciaire est une victoire humanitaire, le triomphe fracassant des stratégies volontaires. DécemBRR… Quand on veut, on peut.
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