lundi 5 juillet 2010

Terzieff

Il est dans la cité des exemples à méditer. A soumettre aux regards des enfants. Laurent Terzieff déclamait ce qu'il aimait. Il jetait sa vieillesse par les fenêtres. Prodigalité et probité. Il montait des pièces, mot à mot, phrase à phrase. Il disait le bénédicité des enfiévrés. Rilke ou Neruda. Au seul nom d'Aragon, il sortait de ses gonds.
Aux tièdes, il enseignait la brûlure des poètes. Vieille gare d'Orsay: je me souviens du Christophe Colomb de Claudel. Terzieff endossait la majesté de héros comme nul autre comédien. Son regard d'aigle désignait l'infini comme le lieu de l'esprit. Il y traçait le rectangle d'une scène. Sa longue silhouette fléchait les planches. Une voix de rare précision, à ciselure exacte, respectait la scansion la plus pure. Il plantait des mots dans le coeur des gens sans bonheur.
L'acteur de Pasolini dérivait dans le huis clos des mots, préservait le sanctuaire des beautés littéraires. Terzieff était aussi sauvage que civilisé, jouant de la douceur comme d'une brusquerie. Violence de l'enfance. Il était nourri de Dostoievski, instruit de mille écrits et féeries. L'ultime syllabe de son nom claquait la vitesse d'une fulgurance, fouettait l'espace comme la signature slave d'une parole sonore. L'air autour de lui, l'air de Paris, devenait irrespirable. Cet homme admirable, hors série, a manqué d'oxygène dans un monde saturé de haine.

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