jeudi 12 janvier 2017

Le visage d'un autre

Ils squattent notre imaginaire. Leurs posters saturent l’atmosphère. On les voit, on les croit, ils font la loi. En ce temps, de ce monde, ils sont grands. Mais à trop les voir, comme des images de manuel d’histoire, on doute un soir des légitimités d’une gloire. On s’interroge sur la sacralité des épatants visages. On se cogne à tant de trognes sans vergogne.
Les belles figures de nos visions se réfléchissent dans un miroir d’émotions. Ils mitraillent les rétines de leurs ouailles. Les idoles à la Warhol sont nos maîtres d’école. Ils enseignent la publicité à défaut d’amour de la cité.
Obama s’en va, quitte le champ des caméras, comme Julien Clerc la scène de l’Olympia. Une nation se gouverne à l’émotion. Le dernier sanglot de Barack se répercute bien au-delà de Chicago. Il dégringolait les passerelles comme un golfeur svelte, inattentif à la marche. Hollywood pleure son Tiger Woods.  Là où Hollande, engoncé dans un corps, enjambe de travers, manque de valdinguer dans les décors.
Question marche, on dispose de Macron qui fend les buissons. Il est chaussé de godillots pour un sacre de caudillo. Ses zélateurs poireautent dehors comme de bons électeurs. Macron ressemble à Boris Vian. Il a le physique humanitaire d’immédiat après-guerre. On ne sait si c’est la chance qui lui sourit ou s’il se réjouit de sa bonne fortune. C’est un Boris Vian kouchnérisé, débarrassée d’une inutile mélancolie slave. Son programme se nomme sans état d’âme : « J’irais cracher sur vos tombes ».
Trump est d’une autre trempe. Il boxe dans la catégorie Eltsine. Il a rallié l’Histoire à la force du poignet comme l’ivrogne Boris s’est dressé sur un char. Cheveux jaunes, cernes verts et cravate coquelicot. Il joue de ses mains de marionnettiste : la droite prédatrice, la gauche moins véloce. Il gourmande la terre entière, carré dans une posture d’armoire normande. Ses foucades colériques évoquent des secousses telluriques.
Chirac ressemblait à Jack Nicholson. On exagère à peine quand on prend le chef du modem pour Richard Gere. Le fantaisiste Bernard Haller était le sosie lunaire d’un Mitterrand, bien planté dans la terre. De Gaulle était gothique. Fillon tient ses sourcils de Pompidou. Darry Cowl, l’inénarrable bafouilleur, eut sa doublure psychorigide en la personne de Jospin, le parpaillot. La durée des mandats et la fin de leur cumul font de ces bateleurs d’estrade d’authentiques intermittents du spectacle. Aron disait de Giscard qu’il ne savait pas que l’Histoire était tragique. L’ignorance du sang disqualifie les gouvernants. La compassion d’apparat est un costume pour l’action. Ces êtres de théâtre endossent un masque d’histrion, s’interdisent de brandir un glaive de champion. C’est pourquoi, au hasard d’un scrutin, le visage d’un autre s’imprime sans crier gare, dans l’imaginaire d’isoloir.

Aucun commentaire: