mardi 28 mai 2019

Chardonne

C’était un 29 mai un peu particulier. Les enragés de Mai 68 tenaient le haut du pavé. Dans l’anonymat le plus absolu, un grand écrivain français, fils métissé de la porcelaine et du cognac, mourait à La Frette, à un jet de pierres des barricades parisiennes. 
J’ai voulu me souvenir du maître des lettres françaises. Deux de mes livres évoquent sa mémoire, son écriture libre et pure, le cristal d’un style de très haute couture.

 « On est lyrique quand on a rien à dire ; la moindre idée bien mûrie, cela vous coupe le souffle ». Chardonne vend la mèche »  (La cicatrice du brave, page 28)
 « Je lis Chardonne comme je prie la Madone. C’est un maître à vieillir disait Morand. Edmond Jaloux parla d’une prose argentée : « On ose à peine lire, à peine toucher ces pages, de peur de disperser cette poudre irisée ». Je veux jouir d’une fraicheur de neige, je veux lire Chardonne sans me dépêcher. Lentement, illico presto » (L’amitié de mes genoux, page 89).
 « Léon Blum, l’esthète rouge, encense Jacques Chardonne à la parution de « L’Epithalame » : « Je place très haut, pour ma part, l’écrivain qui a su débuter par cette œuvre d’élite » (idem, page 40).
 «  Chardonne, qui s’illusionne sur Proust, ne ment pas sur ce qu’il affectionne : « Ce que nous aurons appris dans notre vie, c’est la valeur du présent, l’instant présent, avec sa lumière et son secret » (Citation d’une lettre du 1er novembre 1957 à Paul Morand in La cicatrice du brave, page 65)

 Jacques Chardonne révérait l’élégance d’Eugène Fromentin, peintre et écrivain. Ses derniers petits livres, au soir de sa vie, sont pour moi les plus beaux. Hors sujet, rien que de la beauté : « Femmes », « Détachements » et surtout  « Demi-Jour ».

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