dimanche 2 août 2020

Marie pour mémoire

Son sourire flou de femme aimante nous obsède comme un remords, un désarroi intime. C’était l’actrice d’une cicatrice intérieure. La comédienne absolue, fille au cinéma d’un génial père, exerce aujourd’hui les sortilèges de l’invisible, la fulgurance de la passion mortelle sur nos vies trop petites qui cahotent de minuscules sentiments en pâles ressentiments. Un homme, une femme. Pas à Deauville, à Vilnius, au petit matin. Marie est dans les cordes. La main de l’homme a fait sauter la planète bleue, a explosé la tête de sa petite fiancée. Marie Trintignant est restée sur le carreau, la lèvre ensanglantée. La télévision sait la culpabilité des voyeurs de contes de fées, des amateurs de vénéneuses fées d’hiver. C’est pourquoi elle diffuse en rafales les troubles images de la libre amoureuse, les vignettes d’un bonheur éperdu vers l’horreur absolue. On regarde bouche bée, l’œil scotché à l’écran dépoli. Marie et son mauvais prince interrogent nos limites, notre médiocrité d’insensible conformisme. A longueur d’émissions, sur la une, la quatre, la six - 1, 2, 3, soleil et gris ciels de Vilnius -, les jeux de l’amour fou et du hasard noir nous fascinent comme la désirable beauté du diable. Sorte d’Avventura nordique. A Vilnius, Marie s’est échappée du monde - comme l’énigmatique disparue du film d’Antonioni -, mais pas du cercle des meurtriers. Sans laisser d’autres traces que le sang de son visage, le mystère de la passion, le blanc silence de l’amour magnétique. Cet amour fracassé ne profane pourtant pas le rêve des hommes et des femmes. Au contraire. Il le laisse intouché. Reste dans la tête le titre d’un vieux et trop beau film de Philippe Garrel : Marie pour Mémoire. Il pleut sur nos souvenirs de cinéma.

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