vendredi 9 février 2024
Après les tracteurs, les acteurs
« N’avoir rien accompli et mourir en surmené ». L’aphorisme de Cioran colle bien à la laborieuse fabrication du gouvernement Attal.
Sa formation accélérée à l’empathie a payé. Fatal Gaby slalome à l’aise dans la boue des crues et des culs-terreux, tapote l’épaule des gueux malheureux.
Mais la production tarde à boucler le casting. Le film se fera sans son Bayrou de secours qui joue la diva. Bercy a l’argent pour le tournage. Il pioche les sous magiques dans une caisse enchanteresse.
Mais les acteurs sont passés après les tracteurs. Manu, sorti premier du conservatoire, n’aime pas les comédiens. Sauf Amélie Mélo, camarade de promotion. Il s’attribue le premier, le seul rôle. Le reste de la distribution fait de la figuration, joue les utilités.
Belloubet est un beau loupé ! Eh bien, il s’en fiche comme de sa première barboteuse. Comme Bresson, le maître cinéaste, il ne travaille qu’avec des inconnus. Il déteste le métier. Il récuse le professionnalisme.
samedi 3 février 2024
Tous les Macron du monde
Il serre les poings, veille à prononcer les mots qui recueillent les bons points. Sa tête tournoie comme une girouette, profil droit, profil gauche, s’arrête à l’image qui taille une médaille. Il est intelligent, davantage que la moyenne des gens de son temps.
Dans « Conversations dans le Loir-et-Cher », Claudel trouve les mots pour qualifier l’oiseau : « Il n’y a qu’une classe dangereuse, c’est celle des intellectuels, c’est à dire des gens qui possèdent un instrument pour lequel il n’y a pas d’emploi vacant. »
Bref, il n’y a pas d’emploi pour notre petit roi, roquet du Touquet. Tout métier requiert la netteté d’une honnêteté, l’humilité qui sied à la vérité. Pour l’heure, l’homme est casé à l’Elysée où il peut encore casser pas mal de jouets. Après quoi, il sera propulsé à la tête d’un espace sans peuple, la terre promise des cabris, le faux pays de la technocratie: l’Europe.
A mesure qu’il s’égosillait sans ciller, qu’il s’émerveillait de ses jongleries de nombril, m’étaient révélés les ravages d’une intelligence fébrile.
L’intelligence distord la flagrance du réel, escamote les faits bruts, sophistique l’art de dire et mentir. Elle se complaît dans l’art d’entortiller, d’embobiner les opinions, d’emmêler et barioler une connaissance de première intuition.
L’intelligence de palmarès, de premier de classe, excelle à la menterie ordinaire. Elle fait du mensonge l’arme d’un grand songe : gouverner à l’insu d’un peuple.
Les racontars de « narratif » nourrissent une confusion des esprits, alimentent un dérèglement de la raison. Le désordre logique est la vitesse de croisière idéologique du navire oligarchique.
L’intelligence use du mensonge à l’envi. Mille fois mieux que la bêtise. Elle joue de ses ruses pour semer la confusion. Un troisième attribut la définit, gourmandise, cerise sur le gâteau : la couardise.
Courage et intelligence font chambre à part. La pleutrerie a besoin de la menterie, s’y cache même derrière. Le courage vient des entrailles des âges, jaillit d’une innocence, troue les faux masques de sa fulgurance. Il appartient à l’esprit d’enfance. Il est le génie rare du premier regard. Il s’incarna dans la poésie d’un de Gaulle, dans la peau d’un Beltrame. Il déserte aujourd’hui les coups de menton de tous les Macron du monde.
vendredi 2 février 2024
Comme un paradis perdu
Oui, Antonioni. Le Pontormo du cinéma. Un luxe maniériste, une posture d’artiste qui peint les ciels dans leur perfection formelle, échafaude une parure, imagine une griffe, la fait luire au jour comme une deuxième nature.
Quelque chose de flou, un bastringue que rien ne distingue, un cri qui troue l’apparence, colorie l’indifférence. Antonioni s’approprie le rouge, le désir qui surligne une lèvre, le désert qui dissuade un rêve.
D’instinct je me suis jeté sur le trottoir, l’ai foulé vers la salle destinée. Je voulais guérir d’une nostalgie, stopper une maladie, réserver l’après-midi. J’ai fendu la file du Champollion, rue des Écoles. Ai dégringolé les marches, me suis glissé dans le noir. Veni, Vitti, Vici. Vaincu, convaincu, je le suis depuis l’incolore éblouissement d’une île de Sicile, le choc incantatoire de L’Avventura, le regard égaré de Claudia.
Deserto Rosso. Giuliana est une soeur siamoise de Claudia, le sosie, le portrait craché d’une sublime actrice de cinéma. Monica Vitti déambule dans une rue pâle, erre dans le vestibule, dérive dans un ciel industriel. Elle observe l’horreur des couleurs.
J’ai couru, suis entré bon dernier, attentif à écrabouiller l’orteil d’une rangée entière. Je voulais revoir le manteau de laine de Giuliana, la pelisse verte d’une bourgeoise désœuvrée d’Emilie-Romagne. Revoir une manière de s’emmitoufler, de se carrer dans un corps, de se camoufler pour manger le pain de l’ouvrier. C’est cette couleur froide qui enlumine un visage diaphane.
Mais le rouge ici désigne la déchetterie d’usine qui bariole, peinturlure la nature. J’aime le rouge artificiel d’Italie, la joie écarlate qui jaillit des veines, des volcans, des voyelles. J’aime le rouge incendiaire de la baraque d’une partie de plage d’hiver. Le goût d’Italie me vient de cette couleur de feu joyeux. Antonioni peint l’intériorité des figures dans l’espace et ses géométries. On lit dehors les sentiments des hommes comme dans un album d’images luxueuses. Le monde est une poubelle que l’artiste filme et fignole au pinceau. Monica Vitti s’extrait des brumes qui indifférencient le temps des cinémas qui passe. Un regard voilé, qui s’abandonne, sans domicile, comme un paradis perdu, outrageusement oublié.
L’artiste anticipe l’avenir. Pollution, blabla, mal de vivre. Inutile de s’appesantir.
mercredi 31 janvier 2024
J’ai dit : la ferme !
Les paysans sont de vilains garnements qui passent trop de temps devant les écrans. Ils s’esquintent les yeux, se bousillent la santé, négligent leurs travaux.
Il faut qu’ils s’aèrent, qu’ils jouent dehors avec leurs tracteurs, qu’ils aillent se distraire dans les champs d’hiver, sur les terres en jachère.
Avec leurs grosses bagnoles à gazole, ils se ruent vers la capitale, fuguent vers la Tour Eiffel. Les ploucs n’hésitent pas à tout plaquer. Ils se détruisent au fusil de chasse. Ils réclament de la vérité, du sens et de la dignité. Pas seulement un selfie avec Gaby.
Les fonctionnaires, qui poussent comme de mauvaises herbes sur leurs impôts, les exhortent gentiment à la fermer.
La ferme. J’ai dit: la ferme ! La ferme, en rentrant, devant les écrans, ils en connaissent les longs silences.
samedi 20 janvier 2024
Gaby oh Gaby !
Après le grand échalas à barbe bicolore, le technocrate provincial qui parlait a l’oreille des territoires, la mère supérieure du couvent des revêches, voici le sémillant Gaby oh Gaby, cynique noiraud, mixte de Cahuzac jeune et de Nasser, le qatari du PSG.
Manu, prince burlesque, absorbe la gloire des autres. Il suce le sang des stars, se jette sur la pelouse, enlace Mbappé, congratule Depardieu, s’approprie la popularité d’Attal.
Bachelot rimait avec Malraux. Abdul Malak rimait avec Jack. Dati rime avec Michel Guy. Les filles de la culture rayonnent sur les Beaux Arts. Bashung toujours: Madame rêve.
Amélie mélo
La causerie du prince traînait en longueur un indicible ennui. Le numéro de cirque s’apparentait à l’artifice d’un satisfecit.
Une citation de Georges Braque aurait suffi: “ La règle corrige l’émotion “.
A l’heure où Amélie mélo s’embrouillaient les pinceaux, le héros d’estrade jouait avec son propre écho.
Audace, Action, Aifficacite. Triple A. Notation d’excellence de la nation. Triple A tiré par les cheveux. Mais joyeux, contagieux.
Sauf que La Tour Eiffel chancelle. On marche sur la tête.
Darmanin est dégradé au rang de vulgaire Darminus. Le remaniement des armes l’a meurtri. Il subit de plein fouet la gloire de Gaby. Il souffre du supplice de Tantattal. Où sont les caméras ? Geraldo est viré du champ.
Bruno, dont on ignore de quel patelin il est le maire, soigne un masque hiératique de vétéran de gouvernement. C’est le prof principal de la classe, à droite de l’estrade.
Engagés, les ministres le sont. Engagé, comme un diagnostic vital. Avec un mental de menteur, Manu se fabrique une légitimité de commentateur.
Il se tait sur la dette abyssale. Il a horreur des gestionnaires. Il collectionne les ministres révolutionnaires. Lui, au moins, connaît la vraie date de la Révolution française : 2017.
Il introduit le bleu blanc rouge de travail au collège. Les couplets xénophobes de La Marseillaise sont réhabilités. Il invente l’Etat compagnon, l’Etat aide-soignant qui accompagne l’ultime instant des mourants de la nation.
L’oisiveté mène les émeutiers par le bout du nez. L’ennui provoque l’incendie. Hier pourtant personne n’a saccagé la salle des fêtes du palais. On s’est endormi avant l’extinction des lustres au plafond. L’enquête diligentée sur l’armoire de Benalla ? Toujours rien.
lundi 1 janvier 2024
Du linge qui sèche
Je dîne, un œil sur l’homme à costume bleu marine. Dans le parc, cet hiver, la nature a souffert. Les arbres s’affalent, se sont courbés sous les rafales. Le vent se mêle aux vœux.
A droite du speaker, on voit du linge qui sèche dans la nuit noire. Il est pendu au fil qui relie les années. L’homme exhibe les fanions des pays qu’il conduit. Il les fédère dans une seule grande nation volontaire. Celle des compagnons et des bénévoles.
Il jouit d’avance des JO comme de sa propre performance. Les JO, devant la terre entière, c’est son Puy du Fou, en mode éphémère, l’hallucination d’un été destinée à époustoufler la galerie, à intimider les esprits.
On retranche ce qui fâche du bilan du dimanche. Cette année, c’était bien. L’année qui vient, ce sera bien, encore bien, très bien. On fait la course en tête. On surclasse les autres. On leur met dix ans dans la vue. Et on voudrait que ça bouge dans la rue ?
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