jeudi 31 décembre 2009

Carbone Année !

La planète échauffe les esprits. Le monde est un tas d'immondices. On sonne le tocsin des salissures. Les Chinois saccagent de bon coeur avec la foi du charbonnier. Les riantes industries d'Occident craignent l'apocalypse fiscale. La taxe carbone, aujourd'hui retoquée, visait la folie prédatrice des hommes. N'en déplaise au conseil des pas très sages du Palais Royal. De la planète, nous ne disposons que de l'original. Nulle duplication au papier carbone n'est praticable.
Dans la foulée, les docteurs de la loi constitutionnelle nous adressent leurs meilleurs voeux: Carbone Année !

mercredi 30 décembre 2009

En finir

Le coiffeur m'interroge sur l'avenir. Où et comment finir l'année ?. "En beauté". Ma langue fourche. Dans un demi-sommeil, devant glace et lavabo, je ne veux dire que cela. Clore l'année en beauté. Je me reprends. J'ajoute: "Chez mes parents". Avant de confesser cet ultime communiqué: "Non, chez ma mère".
Dans la salle à manger, près de la fenêtre, une pile d'albums sur les genoux, il laisse les souvenirs se bousculer. Il baisse la nuque, colle son menton sur son buste. Il attend autre chose que l'achèvement d'une année de calendrier.

mardi 29 décembre 2009

Un bonheur d'acteur

Sur une chaîne lointaine, excentrée dans le maquis des images du câble, je tombe sur un bonheur d'acteur, un délicieux comédien, Jean Poiret en Lavardin, policier policé avec une pincée de folie dans la prunelle de l'oeil. Jean Poiret est l'héritier du grand Jules Berry. Sa fantaisie fait merveille. Il agrémente ses postures nonchalantes de petits rires sardoniques. Il enjôle la caméra avec une légère gouaille dans la voix. Pour le Noël de ses vieux, Vivolta régale au champagne. Avec Jean Poiret, la télévision pétille. On me dit qu'il est mort. Je n'en crois pas un mot.

lundi 28 décembre 2009

L'homme de l'année

En cette veille de Noël, le train chemine vers Granville. A chaque arrêt, les voyageurs des quais se jettent sur les portières en quête d'une place, sinon assise, du moins physiquement tenable. Le système des réservations a volé en éclats. Les sièges sont pris d'assaut. Les numéros des places imprimés sur les billets n'y figurent que pour mémoire. Les passagers s'ensauvagent, s'invectivent. Un moustachu, lecteur de L'Equipe, s'abrite derrière son journal, pratique la politique de l'inertie. Il ne tient pas une seule seconde à me céder cette place qui correspond au billet que j'agite dans la main.
Je sors de mes gonds. La colère envenime les relations humaines. Dans mon délire verbal, je me souviens que le chef de la SNCF se nomme Pépy, Guillaume Pépy. A la cantonade, je crie qu'il faut sur le champ se débarrasser de "la pépycratie" qui force notre communauté d'hommes à se conduire comme des animaux. A intervalles réguliers, un haut-parleur nasillard jette une poignée de mots standards sur la plaie vive des voyageurs: "La SNCF s'excuse pour les conditions déplorables de transport". Les hommes et les femmes du wagon se calent comme ils peuvent dans la travée. Seul un chien semble à son aise, museau entre les pattes, presque satisfait de ce transport de marchandise humaine en vrac.
Au retour vers Paris, le même scénario se reproduit. A la SNCF, la réalité n'apprend rien. On joue des coudes. On s'injurie. Le wagon est bondé. La compagnie de chemins de fer a vendu deux ou trois fois le nombre des sièges disponibles. Les vieillards souffrent davantage dans leur chair. Les bébés braillent. Une personne se trouve mal, perd connaissance. On invite les médecins du train à se signaler. Le convoi stoppe à Versailles pour évacuer le blessé.
A l'arrivée, le trajet s'est rallongé de près d'une heure. On savait déjà que les prestigieux TGV ne roulaient pas de bon coeur par temps de neige. Or ce constat de faillite doit être complété par l'incapacité de la société nationale de transport ferroviaire à exercer son métier en fin d'année. A qui veut-on faire croire que le monde entier envie les services publics français ?.
A mon avis, l'homme de l'année 2009, c'est Guillaume Pépy. Il a gagné dans un fauteuil. Loin devant le patron de la RATP.

mercredi 23 décembre 2009

Burqa

Agence Société Générale, rue du Havre, onze heures du matin, 23 décembre, quartier des grands magasins. Mon épouse est postée devant le distributeur automatique de la banque. Rituel du plein d'espèces à l'approche de Noël. La machine rechigne, la machine est en panne. Mon épouse décide alors de s'adresser directement au guichet de l'établissement. Elle s'introduit dans le sas qui donne accès à la banque, après vérification des clients. Elle a couvert sa tête d'un fichu de laine jaune qui cache la toilette matinale de ses cheveux. Ce foulard qui dessine parfaitement l'ovale du visage fait voir rouge le préposé à l'ouverture de la porte. L'homme fait signe qu'il est exclu de pénétrer dans la banque avec ce bout de tissu sur la tête.
Suffoquée, révoltée par ce geste d'ostracisme, à connotation xénophobe, voire raciste, mon épouse sort de ses gonds, explique haut et fort qu'elle ne porte ni voile religieux, ni burqa, que son visage est ceint d'un banal fichu laïc qui laisse parfaitement identifier sa personne. Bref, la psychose des burqas fait déjà des ravages auprès des petits blancs bureaucrates. Tout couvre-chef est désormais suspect. La banalisation de la bêtise raciste est à l'oeuvre dans une société aveuglément sécuritaire.

L'identité d'un étranger

Le mot identité relève de la plus banale tautologie. Il résonne aussi comme une énigme. Dans l'Exode (3,14), Dieu s'adresse à Moïse en ces termes: "Je suis celui qui est". L'identité se définit comme un moi inconnaissable. Michel Serres signale à bon droit une erreur logique couramment répandue. " On confond en core et toujours identité et appartenance. L'une se marque avec trois petits traits, l'autre avec une sorte d'epsilon, qui ressemble à un euro...Le racisme, c'est justement la confusion de l'identité et de l'appartenance" (Chronique sur France Info du 26 avril 2006). En effet, la couleur de peau ne constitue pas l'identité d'un homme mais désigne l'une de ses multiples appartenances. L'actuel débat, assez artificiel, sur l'identité nationale exige le préalable de cette distinction première, de ce rudiment de logique mathématique.
La nation était jadis ressentie comme un lieu d'enracinement. On y naissait - c'est précisément l'étymologie du mot -, on y vivait, souffrait, travaillait avant d'y mourir. La nation alliait le sang de familles ancestrales au sol d'un territoire, théâtre commun de l'aventure humaine de chacun.
Aujourd'hui, le lien sentimental s'est distendu, la relation affective à la nation s'est effilochée. La vie des hommes a changé d'échelle géographique. La nation a rapetissé au point de s'effacer derrière les enjeux de mondialisation. A l'évidence, le réchauffement de la Terre, la guerre de l'eau, les dérèglements économiques, la violence terroriste ou la marchandisation généralisée sont désormais des questions globales qui réclament une expertise mondiale. Dès lors, la nation ne figure plus le cadre hospitalier, le découpage administratif approprié face aux nouvelles grandes peurs du XXIème siècle. Dans la mesure où la nation est disqualifiée en tant que refuge des hommes d'un même voisinage, le débat sur l'identité perd tout à coup de sa pertinence.
On s'interroge à l'infini: "Qu'est-ce qu'être Français ?". Au-delà du respect des mêmes lois de la République, au-delà des regards échangés sur des paysages communs, au-delà d'un attachement ému à des lumières, des monuments ou des styles de vie, c'est sans doute le bonheur de parler, de partager une langue de grande beauté. Cet outil somptueux, bien réel, touche à l'esprit d'un peuple. A lui seul, il répudie toutes les chimères nationales. Car l'identité demeure un abîme. "Je suis celui qui est". Je ne me résume pas aux signes distinctifs répertoriés sur un passeport. La somme de tous les sous-ensembles auxquels j'appartiens échouera toujours à saisir mon identité. Or l'honneur de la condition humaine est d'ignorer sa propre identité. Certes, tout homme peut se prévaloir d'un code génétique unique. Mais il ne sait pas le déchiffrer, en percer le mystère autrement que par la biologie?. C'est cette étrangeté de soi qui fait de l'homme un étranger pour lui-même.

mardi 22 décembre 2009

Trogne

A "Salut les Terriens", il est des extra-terrestres qui pervertissent les codes de bienséance de l'émission. Sur Canal+, la trogne inflexible de Michel Onfray rompait avec l'euphorie de convention, tranchait avec la rigolade obligatoire. Le philosophe hédoniste parlait simple et juste, dans une langue acérée.
J'ai aimé ses sourires de politesse, à peine esquissés, du bout des lèvres, jamais complices comme l'exercice pourtant l'exige. Il a gardé sa ligne de rigueur malgré les questions de cour de récréation d'Ardisson, en dépit des connivences revendiquées d'Edwy Plenel. Michel Onfray a joué le jeu du divertissement sans pour autant s'abandonner à l'impudeur de la gaudriole.