lundi 31 janvier 2011

Le calcul Chatel

Le ministre Chatel n'en démord pas. Il veut réhabiliter le calcul mental, doper la capacité des écoliers à compter de tête. Le ministre Chatel s'attelle à la table de multiplication car la France figure en queue de peloton des nations en matière scientifique. Les sciences exactes pénètrent mal dans la dure caboche des élèves d'aujourd'hui. Finies à l'avenir les médailles Field qui faisaient la fierté du pays. Les mathématiques dépérissent au fond de la classe à côté du radiateur.
Reste que le ministre Chatel confond le calcul mental et l'apprentissage du raisonnement mathématique. Le comptage de tête est à l'analyse mathématique ce que la récitation est à la composition française: un banal exercice de mémoire. Jamais le travail de la raison.

La police égyptienne

L'insurrection égyptienne nous renseigne sur l'utilité sociale de la police. Durant le dernier week-end, les fonctionnaires de sécurité ont déserté leur mission. Aussitôt, illico presto, les pillards s'en sont donnés à coeur joie. Ils ont dévalisé les échoppes. A vrai dire, les polices du monde entier sont désarmées devant le grand banditisme. Elles pèsent peu devant les gangsters de métier. Elles ne conduisent jamais les malfrats professionnels à renoncer à leur criminelle vocation.
En revanche, elles dissuadent les honnêtes gens de passer à l'acte, de basculer dans l'illégalité et de s'improviser voleur par peur des représailles. Autrement dit, la police d'Egypte ou d'ailleurs n'a d'autre efficacité que d'empêcher les braves pères de famille de pratiquer le vol à l'étalage. Pas davantage.

Nathalie Baye

Loin de la gaudriole obligatoire, France 2 débarrassée des diktats publicitaires risque un subtil polar de dimanche soir. "Le Petit Lieutenant" tient lieu d'exemplarité, de brevet de service public. Nathalie Baye émeut par son jeu. Au milieu des gars de commissariat, où se ravive le quotidien d'internat, elle prête au film sa pâleur beige, son teint de plâtre, entre lenteurs et hâtes du métier de flic. Nathalie Baye, femme banale, l'autre manière d'être fatale, trimbale sa beauté naturelle au voisinage du drame de la plus simple humanité. Mieux que Girardot ou Signoret à leur époque, plus juste dans son intériorité inquiète ou ses élans d'énergie muette, Nathalie Baye impose ses frêles épaules de policière, la dense mélancolie d'un regard égaré, l'instinctive ténacité d'une femme brisée.
Avant d'évoquer les dieux, de raconter les hommes, Xavier Beauvois dessina le visage défait d'une femme qui fume, d'une femme flic alcoolique qui longe la vie, entre le sang des carrelages et la bordure d'une plage.

Les Experts squattent Drucker

Dimanche, sous le coup de cinq heures, les Experts ont squatté l'espace pépère de Drucker. Pas la série américaine, l'équipe reine d'Onesta. Je rassemble mes souvenirs de préau: le hand était alors un sport de fillettes dans les cours de récréation. On se cognait davantage au rugby. Le Chabal du hand s'appelle Karabatic. Il a crevé l'écran, transpercé les filets de Landin, le portier danois. Finale de feu entre les démons blonds du Nord et les génies bruns du Sud.
Omeyer, le gardien tricolore, champion de l'histoire, est réduit à l'état de passoire. Les gros bras à joue rose lui en font voir de toutes les couleurs. Il agite les bras, les jambes, gesticule dans le vide comme un pantin désarticulé. Or Omeyer en sauveur garde le meilleur pour la fin. A bout portant, il fiche son bras sur la trajectoire d'une balle fatale. Sur son aile, Abalo s'envole dans les airs. La solidarité de sueur est la marque de fabrique des Experts. Aux derniers Mondiaux de foot, les nôtres avaient joué comme des pieds. A Malmö, l'humble et brillante formation française s'illustre au bras de fer. Le hand administre une leçon au foot. La télévision publique a sacrifié son gendre idéal vieillissant pour la jeunesse explosive du vaillant Karabatic. Allocation heureuse de l'argent de la redevance.

vendredi 28 janvier 2011

Conflits d'intérêts

Copé ne verrait pas d'un mauvais oeil l'échec de Sarkozy en 2012. Il lorgne en effet l'Elysée en 2017. Il y a là conflit d'intérêts entre court et long terme politiques. Les socialistes, candidats en nombre à des primaires maison, ne soutiendront que du bout des lèvres l'heureux élu du scrutin. A nouveau, on se heurte à des conflits d'intérêts entre ego rivaux. Au premier tour de la présidentielle, Mélenchon va grignoter des voix au parti socialiste, au bénéfice d'un Front National en position de se qualifier pour la finale. Cas d'école d'un conflit d'intérêts entre une candidature en porte à faux et ses effets paradoxaux.
Le centre, bateau ivre de Borloo ou nom codé du Béarn, a le chic de ne modérer ni les conflits ni les intérêts. Le calcul y tient lieu d'éthique. Le centre, région plate de l'échiquier politique, est une contrée fleurie d'arrière-pensées. A côté, pas loin sur la carte, on localise assez confusément le territoire des Verts, population en perpétuel conflit avec la terre entière, qui bataille fiévreusement contre ses intérêts.
Bref, il était temps que le bon M. Sauvé remette un rapport circonstancié au locataire de l'Elysée visant à dissuader pareils tiraillements des consciences.

jeudi 27 janvier 2011

Un crime de société

L'euthanasie touche à la solitude de la mort. Elle dénature le propre de l'homme. Car elle introduit la décision d'autrui à l'instant où la vie s'abîme dans la douleur. Elle lui confie la responsabilité d'en finir avec elle, lui donne la clé du geste fatal.
Autrement dit, l'euthanasie collégialise la mort. La solidarité sociale se substitue au cheminement intérieur de la conscience, au corps à corps avec la mort. Les maladies neurodégénératives volent aux patients leur mémoire. L'euthanasie va plus loin: elle leur subtilise leur dernier mano a mano avec la mort. C'est un suicide sur commande, accompli par un "nègre" du trépas, un intermédiaire de décès. La mort assistée est un crime de société .

mercredi 26 janvier 2011

Dégage

"Moubarak, dégage", après "Ben Ali, dégage". Slogans de campagne populaire. Le peuple d'Egypte manifeste sa colère de manière lapidaire. "Dégage" est le point sur l'i d'insurrection. Le verbe est impérieux. Il signifie que la destitution du despote est la condition préalable à la liberté, à la parole retrouvée.
Dans notre démocratie décatie, Mélenchon a ressenti lui aussi l'envie de pareille table rase, d'en découdre avec les princes illégitimes. "Qu'ils s'en aillent tous" fulmine le grognon tribun. Que les usurpateurs débarrassent le plancher, que les Trabelsi du pays déguerpissent.
Il arrive que les mots révèlent leur pauvreté, témoignent de leur insuffisance, n'exprime que leur limite. Car les paroles sont trouées. Elles échouent à peser sur la réalité. Elles ne distribuent ni pain, ni liberté. "Dégage" traduit au plus bref le reproche adressé aux stériles discoureurs: "Assez de paroles, des actes !".
Après la Tunisie, l'Egypte veut "changer la vie", aspire au rimbaldien dans le quotidien. Moubarak n'est plus qu'un ballon de chiffon que le peuple joueur, gardien de but d'Egypte, expédie dans les tribunes. Il appartient à l'équipe des rives du Nil de se qualifier pour la démocratie.