mercredi 31 janvier 2024
J’ai dit : la ferme !
Les paysans sont de vilains garnements qui passent trop de temps devant les écrans. Ils s’esquintent les yeux, se bousillent la santé, négligent leurs travaux.
Il faut qu’ils s’aèrent, qu’ils jouent dehors avec leurs tracteurs, qu’ils aillent se distraire dans les champs d’hiver, sur les terres en jachère.
Avec leurs grosses bagnoles à gazole, ils se ruent vers la capitale, fuguent vers la Tour Eiffel. Les ploucs n’hésitent pas à tout plaquer. Ils se détruisent au fusil de chasse. Ils réclament de la vérité, du sens et de la dignité. Pas seulement un selfie avec Gaby.
Les fonctionnaires, qui poussent comme de mauvaises herbes sur leurs impôts, les exhortent gentiment à la fermer.
La ferme. J’ai dit: la ferme ! La ferme, en rentrant, devant les écrans, ils en connaissent les longs silences.
samedi 20 janvier 2024
Gaby oh Gaby !
Après le grand échalas à barbe bicolore, le technocrate provincial qui parlait a l’oreille des territoires, la mère supérieure du couvent des revêches, voici le sémillant Gaby oh Gaby, cynique noiraud, mixte de Cahuzac jeune et de Nasser, le qatari du PSG.
Manu, prince burlesque, absorbe la gloire des autres. Il suce le sang des stars, se jette sur la pelouse, enlace Mbappé, congratule Depardieu, s’approprie la popularité d’Attal.
Bachelot rimait avec Malraux. Abdul Malak rimait avec Jack. Dati rime avec Michel Guy. Les filles de la culture rayonnent sur les Beaux Arts. Bashung toujours: Madame rêve.
Amélie mélo
La causerie du prince traînait en longueur un indicible ennui. Le numéro de cirque s’apparentait à l’artifice d’un satisfecit.
Une citation de Georges Braque aurait suffi: “ La règle corrige l’émotion “.
A l’heure où Amélie mélo s’embrouillaient les pinceaux, le héros d’estrade jouait avec son propre écho.
Audace, Action, Aifficacite. Triple A. Notation d’excellence de la nation. Triple A tiré par les cheveux. Mais joyeux, contagieux.
Sauf que La Tour Eiffel chancelle. On marche sur la tête.
Darmanin est dégradé au rang de vulgaire Darminus. Le remaniement des armes l’a meurtri. Il subit de plein fouet la gloire de Gaby. Il souffre du supplice de Tantattal. Où sont les caméras ? Geraldo est viré du champ.
Bruno, dont on ignore de quel patelin il est le maire, soigne un masque hiératique de vétéran de gouvernement. C’est le prof principal de la classe, à droite de l’estrade.
Engagés, les ministres le sont. Engagé, comme un diagnostic vital. Avec un mental de menteur, Manu se fabrique une légitimité de commentateur.
Il se tait sur la dette abyssale. Il a horreur des gestionnaires. Il collectionne les ministres révolutionnaires. Lui, au moins, connaît la vraie date de la Révolution française : 2017.
Il introduit le bleu blanc rouge de travail au collège. Les couplets xénophobes de La Marseillaise sont réhabilités. Il invente l’Etat compagnon, l’Etat aide-soignant qui accompagne l’ultime instant des mourants de la nation.
L’oisiveté mène les émeutiers par le bout du nez. L’ennui provoque l’incendie. Hier pourtant personne n’a saccagé la salle des fêtes du palais. On s’est endormi avant l’extinction des lustres au plafond. L’enquête diligentée sur l’armoire de Benalla ? Toujours rien.
lundi 1 janvier 2024
Du linge qui sèche
Je dîne, un œil sur l’homme à costume bleu marine. Dans le parc, cet hiver, la nature a souffert. Les arbres s’affalent, se sont courbés sous les rafales. Le vent se mêle aux vœux.
A droite du speaker, on voit du linge qui sèche dans la nuit noire. Il est pendu au fil qui relie les années. L’homme exhibe les fanions des pays qu’il conduit. Il les fédère dans une seule grande nation volontaire. Celle des compagnons et des bénévoles.
Il jouit d’avance des JO comme de sa propre performance. Les JO, devant la terre entière, c’est son Puy du Fou, en mode éphémère, l’hallucination d’un été destinée à époustoufler la galerie, à intimider les esprits.
On retranche ce qui fâche du bilan du dimanche. Cette année, c’était bien. L’année qui vient, ce sera bien, encore bien, très bien. On fait la course en tête. On surclasse les autres. On leur met dix ans dans la vue. Et on voudrait que ça bouge dans la rue ?
mardi 26 décembre 2023
Devoir de fin d'année
Que l’année nouvelle
soit belle comme
une toile d’elle
de Nicolas de Staël
Que deux mille vingt-quatre soit un numéro chanceux, un billet de loto vainqueur qui octroie la beauté sur la terre !
A mes amis, je souhaite une année généreuse, insoucieuse, peut-être heureuse.
lundi 25 décembre 2023
On trouve ça bien
En ce jour de Noël, j'apprécie le commentaire si obligeant cueilli au bas du sapin dans la prestigieuse rubrique de Service Littéraire: "On trouve ça bien".
Ce sont les premiers mots publics écrits sur mon livre: "Fragments d'un sentiment".
A François Cérésa, j'exprime ici ma reconnaissance.
"Notre ami Christian a une sacrée plume. Dans son ordre foutraque, il fait la peau aux idées reçues. Ici, par le style, il évoque la sacralité du théâtre" (5 Sens Editions, 94 pages, 12 euros).
in Service Littéraire, numéro Maurice Barrès, janvier 2024
jeudi 21 décembre 2023
Le camp des intouchables
Des femmes sans célébrité se plaignent des agissements abusifs d’un acteur de renommée mondiale.
En dehors des prétendues victimes et du comédien visé, nul ne sait au juste la vérité des faits.
Au jeu de la parole échangée, l’institution de la justice n’hérite pas d’une tâche aisée.
Pourtant, le président de la république française ramène sa fraise, s’invite à la table du juge. Depardieu l’histrion fait honneur à la nation.
Le droit est une chose. La force en est une autre. L’un et l’autre se toisent comme deux pugilistes sur le ring. Dans le rapport de forces de la considération sociale, Macron et Depardieu, dans le métier où ils excellent, occupent le sommet de la pyramide.
Or les petites mains supposées violées des tournages des films de Depardieu échappent à la visibilité médiatique, à l’impact publicitaire des commentaires en pleine lumière.
Dans le cercle privé des stars autorisés, Fanny Ardant ou Catherine Deneuve, fidèles à l’ami, se rangent du côté du géant de comédie et du président du pays.
Cet entre-soi de la célébrité est dérangeant. Fanny Ardant et Catherine Deneuve appartiennent elles aussi au camp des intouchables. Dans le rapport de forces, elles jouissent d’un certain éclat de pouvoir qu’elles font ostensiblement valoir.
En revanche, les pâles accusatrices sont des Madames Michu du cinéma, des inconnues absolues au banquet des dieux de l’Olympe. C’est troublant.
Je m’interroge sur la nature humaine, ses tentations, sur la pratique éventuelle d’un droit de cuissage exercé dans le secret d’une alcôve.
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