mercredi 2 janvier 2019

De la déconsidération

Macron porte le maillot jaune. Le vrai. Avec arrivée aux Champs-Elysées, gerbes de lauriers et baisers de majorettes. Le paletot est convoité par une (é)meute de gilets débraillés, à brillantine jaunasse. Ils lui mordillent les chevilles. Là où précisément le leader a des enflures.
On dirait Lance Armstrong, premier de pédalée, gros braquet dans les Alpes et les Pyrénées. Il est dopé, chargé à mort, accro aux piqûres d’ego qui couturent un corps de campionissimo.
« Cessons de nous déconsidérer ». Il est impérieux, Macron, le chef du peloton, quand droit dans les yeux, il nous exhorte exemplaire à lui ressembler, à nous calquer sur l’original Jupiter. Car Bibi est satisfait de lui, de sa position à bicyclette. Il se suffit à son effigie. La déconsidération est une faute de profession, un manquement aux idéaux de la nation, une ringardise de baladins des ronds-points, une fainéantise de loosers des terroirs.
C’est pourquoi Macron prend son crayon, va écrire une lettre de château aux grognons des vins chauds. Avec sa considération distinguée en guise de final de politesse. Signé : Manu du Touquet.
A vrai dire, les gilets ont jailli d’un délire numérique. Le réseau social fructifie sur les déboires personnels, les solitudes inguérissables, le manque infini d’affection. Il offre aux accidentés du lien de société un lieu provisoire de retrouvailles, un dispensaire de fortune où les armes d’une certaine guerre – « l’horreur économique » eût dit Rimbaud – sont déposées aux vestiaires. On y soigne une âme en consultant ses « j’aime ».
Le coup de sang des gilets fluorescents est né d’un réseau de Californie qui apaise les plaies vives de la déconsidération. Je doute qu’avec son catalogue à la Prévert d’expédients d’experts, le petit président content, décomplexé par les bonnes fées de son pedigree, fasse cesser la déconsidération nationale comme un maître d’école arrête un chahut de collégiens attardés. Pour lui, on dirait que la déconsidération du pays est une sorte de décolonisation de l’Algérie.

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