lundi 28 janvier 2019

Rebelle de chapelle

Rome est à deux heures des cortèges de gilets jaunes. Faute de savoir prier, on marche à tout bout de champ comme des émeutiers contents, satisfaits d’une conscience. Caravage change le paysage. Le rebelle de chapelle barbouille des toiles d’Evangile. Il squatte les églises, les colorent d’une lumière indécise, les acclimatent au soleil d’hiver.
Michelangelo Merisi s’est échappé d’une bourgade lombarde, s’est retranché à Rome, loin de Caravaggio. La parole peinte d’une religion charnelle incise les chapelles, entaille l’exégèse picturale d’une réelle crudité. Le maudit Merisi sent le soufre pour les besoins d’une mercantile imagerie. Maurizio Calvesi, historien d’art, soustrait le prétendu vaurien de sa figure d’apostat.  La foi brutale de Caravage est frontale.
Il faut se recueillir, se décoiffer, se déchausser. Capella Cerisi, à l’église San Luigi dei Francesi, « La vocation de Matthieu »  transfigure le clair-obscur d’une taverne en une luxueuse somptuosité murale. Jésus désigne d’un doigt de majesté Matthieu l’imposteur qui joue aux dés, insoucieux  des cieux. Autrement dit, quelque chose comme la poésie enjoint Merisi, vingt-sept ans, de parachever l’œuvre de splendeur. Les touristes sont des pèlerins déclassés qui mitraillent une messe basse picturale de clics de photographes comme des hourras renégats.  
Le crachin romain ternit l’ocre des palais. Je n’ai besoin de rien, que d’espace pour m’épanouir, pour ne pas nuire. J’entends le couinement d’une mouette, une pétarade de pétrolette, les bris de voyelles d’une colère d’esthète.  J’ai froid aux doigts. Je contourne les flaques, via Mario de Fiori. J’observe la rougeur des façades avant la nuit définitive.


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