mardi 19 février 2019

C'est comment qu'on freine ?

Libérer la parole. Débattre de tout sans tabou. Laisser les totems aux vestiaires. On exhorte la nation à se débarrasser de ses inhibitions, à se dépouiller de ses conventions.
Le pouvoir, bon prince, enjoint ses ouailles à se déboutonner, à se décoincer sans complexe. Le vieux « parler vrai » rocardien ne suffit plus : il faut parler cru, cracher cash.
Manu l’a voulu. Le grand débat institutionnel inaugure le temps des expressions rebelles. Il convient de forcer sa nature, d’en dire des vertes et des pas mûres. La lâcheté serait de ne pas « se lâcher » ou de ne pas « balancer » comme le préconisent les princes actuels des élégances verbales, les champions adulés d’une psychologie déballonnée.
Résultat des courses : on s’attaque au patrimoine. Notre Finkielkraut national, à bougonnerie proverbiale, est agressé au seul motif d’être juif. L’injure est une nouvelle écriture pour les nuls. La parole se libère. Parallèlement, l’orthographe se perd, s’est perdue dans la foule. Réfléchir prend du temps, la tête, un coup de vieux inexorable. En bon boxeur, le pouvoir esquive la France d’en bas. En douce, il la camoufle en France Débats. Moi, j’ai la nostalgie d’Alain Bashung : « C’est comment qu’on freine ? »

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