lundi 4 février 2019

Besoin d'une demeure

Je relis Proust comme un curé ressasse un texte saint, marmonne un bréviaire. J’ai besoin d’une demeure où règne un soin supérieur. Je laisse en rade le papier bible, je referme le Pléiade. J’ai deux fois l’âge du Christ, l’expérience hésitante d’un routier de l’existence. Je réfléchis à l’Italie. Je feuillette l’ouvrage de Louis Poirier.
« J’ai visité Rome à soixante-six ans ce qui ne témoigne pas d’un sentiment fébrile » (Autour des sept collines, page 8, José Corti, 1988). A trente ans de distance de l’escapade bougonne de Gracq, je trimbale une curiosité maussade dans une ville saturée d’histoire et de colonies de Chinois venus pour voir.
En hiver, le Tibre est gris vert, sale et grognon. La Chapelle Sixtine est une broyeuse de sensations intimes. La foule s’y presse par tunnels et corridors comme un torrent se jette dans un fleuve bruissant. On dirait des forçats qui regagnent les ciels hauts d’un cachot.
Les peintres font de la bande dessinée sur la pierre sacrée, se font les imagiers d’un peuple illettré. Sixte l’a voulu. Notre Manu, qui sera pape un jour, devrait s’inspirer de sa manière de communiquer la vérité vraie, sans fèqueniouzzes, aux braves ignares des terroirs.
A Rome, les ciels sont kyrielles. A San Luigi dei Francesi, la Vierge s’est extraite de la terre, lévite comme un hélicoptère, coudoie déjà les nuages. Admirable Assomption de Francesco Bassano. Je suis seul à partager pareil mystère. J’ai semé les gaillards à Routard.
Dans les bistrots, je rassemble mes effets, j’exhume de souvenirs imprécis un italien d’usage exquis. J’ai retrouvé « stuzzicadenti » qui désigne le bâtonnet qui veille à l’hygiène des dents et « canucia », la paille que j’exige pour apprécier en toute quiétude le Perfect Twelve de l’hôtel de Russie, à deux pas de la piazza del Popolo.

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