samedi 9 février 2019

Proust et les gilets jaunes

« … à l’hôtel, les sources électriques faisant sourdre à flots la lumière dans la grande salle à manger, celle-ci devenait  comme un immense et merveilleux  aquarium devant la paroi de verre duquel la population ouvrière de Balbec, les pêcheurs et aussi les familles des petits bourgeois, invisibles dans l’ombre, s’écrasaient au vitrage pour apercevoir, lentement balancés dans les remous d’or, la vie luxueuse de ces gens, aussi extraordinaire pour les pauvres que celle de poissons et de mollusques étranges (une grande question sociale, de savoir si la paroi de verre protégera toujours le festin des bêtes merveilleuses et si les gens obscurs qui regardent avidement dans la nuit ne viendront pas les cueillir dans leur aquarium et les manger) ». 
(Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, A l’ombre des jeunes filles en fleurs, Bibliothèque de la Pléiade, page 681)
Je sens le petit Marcel, à un siècle de distance, plus à l’écoute de notre réalité sociale que le jeune Emmanuel, animateur décomplexé d’un débat national comme d’une quinzaine commerciale.  

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