lundi 30 décembre 2019

Chardonne 20/20

C’était un 29 mai un peu particulier. Les enragés de Mai 68 tenaient le haut du pavé. Dans l’anonymat le plus absolu, un grand écrivain français, fils métissé de la porcelaine et du cognac, mourait à La Frette, à un jet de pierres des barricades parisiennes. Jacques Chardonne était né quatre-vingt-quatre ans plus tôt, un 2 janvier, un mauvais jour encore, dans la clandestinité d’un lendemain de festivités.
J’ai voulu me souvenir du maître des lettres françaises. Deux de mes livres évoquent sa mémoire, son écriture libre et pure, le cristal d’un style de très haute couture.

« On est lyrique quand on a rien à dire ; la moindre idée bien mûrie, cela vous coupe le souffle ». Chardonne vend la mèche » 

« Je lis Chardonne comme je prie la Madone. C’est un maître à vieillir disait Morand. Edmond Jaloux parla d’une prose argentée : « On ose à peine lire, à peine toucher ces pages, de peur de disperser cette poudre irisée ». Je veux jouir d’une fraicheur de neige, je veux lire Chardonne sans me dépêcher. Lentement, illico presto ».

« Léon Blum, l’esthète rouge, encense Jacques Chardonne à la parution de « L’Epithalame » : « Je place très haut, pour ma part, l’écrivain qui a su débuter par cette œuvre d’élite ». (L’amitié de mes genoux, page 40)

Jacques Chardonne révérait l’élégance d’Eugène Fromentin, peintre et écrivain. Ses derniers petits livres, au soir de sa vie, sont pour moi les plus beaux : « Femmes », « Détachements », « Demi-Jour ». Textes hors sujet, dentelés de somptuosité.

L’année nouvelle commence avec Chardonne, temps d’excellence : 20/20.


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