Il valait mieux que la griserie d’une notoriété,
que les artifices d’un magazine, que le capitanat du prix Fond de Court. Voilà
neuf ans qu’il est mort, satisfait d’un surcroît de médailles. C’était en février,
le quinze sur le calendrier. Avant que sa mémoire ne flanche, François
Nourissier écrivit un livre bien policé, de petit bourgeois, franc du collier, un
texte de fier artisanat. A défaut de génie est un ouvrage de cordonnier
qui, s’il masque un visage, ne manque ni de métier, ni de panache.
« Je musarde dans le gros volume de
Nourissier. Lecture d'avant-dîner. J'ai cédé à sa mauvaise tentation. J'ai
ressenti de la pitié suspecte pour le vieil homme défait. Jusqu'alors, j'étais
dissuadé par l'ennui d'un visage. J'évite sa barbante mélancolie.
A Défaut de Génie est un livre sans cérémonie, un manuel de coquetterie. Nourissier s'applique. Il donne un ultime coup de collier pour figurer sur la liste des épargnés. A corps perdu. Vain courage d'enragé. L'ancien compagnon d'Aragon n'est pas un grand fêlé des mots. Il n'est pas brûlé au dernier degré. C'est un bon serviteur, comblé d'orgueil et d'honneur. Il fait de son mieux. Il écrit juste, net et concis.
A Défaut de Génie est un livre sans cérémonie, un manuel de coquetterie. Nourissier s'applique. Il donne un ultime coup de collier pour figurer sur la liste des épargnés. A corps perdu. Vain courage d'enragé. L'ancien compagnon d'Aragon n'est pas un grand fêlé des mots. Il n'est pas brûlé au dernier degré. C'est un bon serviteur, comblé d'orgueil et d'honneur. Il fait de son mieux. Il écrit juste, net et concis.
Il nous émeut à vouloir nous sourire un peu, du
coin de ses yeux embués. Il parle comme personne de la maladie de Parkinson. Il
cause du malheur, l'évoque de l'intérieur. Je lui dois d'avoir revu mon père
derrière sa phrase lucide. D'avoir peut-être conversé avec lui, partagé sa
longue douleur muette. Avant d'entrer, j'ôte mon chapeau.
Nourissier sait ressemeler les souliers. Dans A Défaut de Génie, la langue française
est bien chaussée. Elle peut cheminer à son aise dans la tête du lecteur. La
laideur est plus forte que la mort. L'artiste n'écrit pas, le pistolet sur la
tempe. Il pratique la chirurgie esthétique de son propre visage. Il se refait,
non pas une jeunesse, mais une illusoire beauté de papier. Nourissier noircit
la page, barbouille son triste visage. Il rate sa tête comme Giacometti échoue
au seuil du portrait. Il vieillit, épaissit les rides de sa disgrâce. Il fait
l'économie du mot fin: "Ouste !"
Ce texte est extrait de Dancing
de la marquise, à paraître chez 5 Sens Editions (avril 2020)
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