mercredi 31 mars 2021

Pompidou, 2 avril

Une pluie fine taillade les pommettes, perce le squelette. Le ciel et la mer joignent leurs doigts d'ardoise. Les hommes meurent sans un stock de douceur. Vent tombé. Silence dégringolé sur une mer apaisée. Roches et varechs sont des signes celtes. L'aigrette remue le sable avec des pincettes. C'est l'heure où l'eau se froisse. La mer est trouée comme une mémoire millénaire. Un climat punitif fronce le relief des visages. La pierre a les yeux rougis par la pluie. Les hommes partagent le chagrin des parpaings. On est mangé par le temps, démangé par le ressentiment. Le Finistère est un bout d'Angleterre. Par ces vents fous, j'ai pensé à Pompidou. La politique s'est arrêtée à Pompidou comme la peinture au Lavandou. L'homme aimait l'auto et les mégots. La poésie et l'industrie. Il se méfiait des grands mots. La pudeur était sa demeure, un for intérieur, une parole d'honneur. " Dans notre famille, on ne se couche que pour mourir ". Quarante-sept ans qu'il nous manque, qu'on nous flanque au balcon des premiers communiants, que font long feu des petits morveux sans grand sérieux. Pompidou a vingt-et-un ans. Il griffonne à Pujol qu'il est tenté par l'opium. J'aime Pompidou, compagnon de Poulidor et des sons du terroir. Il est facile dans les cols, à l'aise en Mai qu'il démêle, collectionne Staël. Il est désinvolte, brillant, rude au mal. De Gaulle : il rédige à sa droite. Ce texte est extrait de « La cicatrice du brave » (5 Sens Editions, 2017, pages 74 et 75). Il est disponible à l’adresse suivante : https://catalogue.5senseditions.ch/fr/poesiereflexionpamphlet/90-la-cicatrice-du-brave.html

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