mercredi 24 mars 2021

Squares, boulevards, rues et impasses

A Pézenas, Bobby Lapointe a hérité du parking municipal. Son nom figure sur les tickets de caisse. Le copain de Brassens méritait mieux qu’un hangar à bagnoles. Un Théodule de comité a dressé une liste de patronymes, de noms divers pour désigner les squares, boulevards, rues et impasses. Diversité est un mot paradoxal. Il privilégie la singularité d’une origine, la banalité d’un lieudit de naissance. Le Théodule en question, un historien d’aujourd’hui, confesse un double sentiment : « Je me sens Breton, je me sens Français. » Il revendique deux identités, les superpose. A mes yeux, le terme d’appartenance serait mieux approprié. Il autorise le pluriel. L’identité ne se décline qu’au singulier. Un singulier mystérieux, peut-être introuvable, malaisé à se dévoiler. L’identité est infalsifiable, idiosyncrasique, telle une spirale d’acide désoxyribonucléique. C’est un concept de biologie. Quant à Théodule, alias M. Blanchard, je ne partage pas son sentiment régional. Je me sens Français, point final. Je me sens Français, totalement, sans rien d’autre en même temps. La Normandie où petit j’ai grandi ne me communique aucun ressenti privilégié de vaches ou de prairies. J’appartiens à une nation qui me requiert tout entier. Je suis possédé par une langue dont l’école m’a transmis les plus beaux rudiments. Le baragouin normand, l’idiome de mes aïeux vikings, n’est qu’une langue lointaine, ésotérique, dont je ne cherche pas à me réclamer. A vrai dire, elle m’indiffère. Des trois cent et quelque nouveaux noms de ruelles, sortis d’un chapeau « scientifique », j’extrais Kopa. Raymond Kopazewski a régné sur le Onze tricolore, le Stade de Reims et le Real Madrid, distribué le jeu, la balle, les passes à Fontaine et Piantoni. Il m’importe peu que Kopa soit Polak. Ou que Piaf soit Kabyle. Mais les squares et les boulevards arrivent bien tard pour eux. Ces noms d’hier, ces gloires d’antan, ne parlent qu’aux vieillards, à leurs souvenirs défaillants. J’imagine mal un maire d’arrondissement séduire une jeunesse, une génération en détresse, avec les people des années de Gaulle.

Aucun commentaire: