dimanche 9 novembre 2008
Sénat noir
A deux jours du souvenir des tranchées, le calendrier nous rappelle la mort de de Gaulle. La victoire d'Obama produit des effets d'opinion tout à fait détestables. A commencer par une attitude de dénigrement - c'est le mot juste, sans jeu de vocabulaire - et d'auto-flagellation destinée à fustiger une prétendue arriération nationale en matière raciale. Or il y a cinquante ans, et pendant près d'une décennie (1959-1968), Gaston Monnerville - qui ne partageait pas la même couleur de peau que Gérard Larcher - occupa le fauteuil de président de la Haute Assemblée. A ce titre, la constitution lui attribuait le rang de deuxième magistrat de France, juste derrière le chef de l'Etat, mais devant le premier ministre. A se demander si la brillante période gaullienne - Monnerville était alors violemment anti-gaulliste - ne se situe pas résolument devant nous. Sénat noir d'avant la Maison blanche.
vendredi 7 novembre 2008
La popote socialiste
Les zélés socialistes français noircissent du papier avec de vieilles idées.
A la rivalité des laborieuses "motions", Ségolène Royal ajoute l'éclat du concours de beauté. Elle privilégie le visible au détriment du lisible.
Comme la fleur emblématique de son gentil parti, elle s'épanouit à la lumière. Nouvelle cantinière en chef, il lui appartient d'épicer la popote socialiste. Pour ce faire, il lui faut multiplier les tractations d'arrière-cuisine. Tambouille familiale, plats traditionnels: l'enseigne PS affiche sa carte habituelle de produits du terroir. Pas de fantaisie Obama au menu, mais la permanence en plat du jour du cassoulet républicain.
jeudi 6 novembre 2008
Les loups
Le peintre Lanskoy travaillait en dévorant des sandwiches. Nicolas de Staël, concentré sur sa tâche, n'aurait pu imaginer pareille trivialité. Les fulgurances picturales des deux amis nécessitaient un type d'autorité très dissemblable. Les deux hommes se comprenaient à mi-mot. Les mêmes rêves de Russie circulaient dans leur corps. Très proches l'un de l'autre, quasi siamois dans leur for intérieur, la commune véhémence des deux artistes s'exprimait sous des jours différents.
L'éthologie humaine, fondée sur l'intimité des gestes et la géométrie des postures, ne renseigne pas sur les derniers ressorts d'un esprit volcanique. La peinture est une fuite recommencée, hors de portée, une tentative de ruse destinée à contrarier les loups.
Tête de gondole
L'Amérique exporte sa joie comme jadis ses westerns. Le triomphe d'Obama déplace les lignes, fait bouger les frontières. Le monde entier consomme la nouvelle star en amateur de blockbusters hollywoodiens.
Bien distribué sur les étagères, à portée de regard de la ménagère planétaire, Obama est une tête de gondole en or. Derrière le bonheur mécanique des foules, au-delà du rêve américain retapé aux couleurs de la diversité, perce la dureté des temps, se devine la mélancolie des jours. L'Amérique a besoin de croire à un meilleur destin, d'évacuer le quotidien, de penser à autre chose qu'au lendemain. Elle veut croire avec l'énergie du désespoir.
L'Amérique matérialiste tourne le dos au réalisme. Elle s'entiche d'un gendre idéal universel. Un vent de romantisme s'est égaré dans un monde de brutes. Or il n'est pas sûr que le brillant sujet d'Harvard s'y reconnaisse tout à fait. Barack Obama sait les limites de sa seule bonne mine. Il sait que le désarroi l'a fait roi.
mercredi 5 novembre 2008
Yannick Obama
La politique devient une affaire de peau. Dans la confusion des idées, le corps électoral se fie à la couleur du corps. Ce sentiment d'appartenance est détestable. Il défigure la liberté. La connivence des apparences est un péché contre l'esprit. Les goûts et les couleurs ne s'embrigadent pas. La raison doit tordre le cou au caprice d'une fausse identité, à la préférence des yeux bleus ou des cheveux crépus.
En France, on dénonce volontiers l'absence d'un Obama tricolore sur la scène politique. C'est négligé la popularité de Yannick Noah, métis médiatique, successeur de l'abbé Pierre au palmarès des personnalités les plus appréciées. Ses mots aigres à l'endroit de Sarkozy indiquent qu'il situe son avenir sur le terrain politique.
mardi 4 novembre 2008
Le baisemain de Jacques
Les images d'archives témoignent de la cérémonie des bonjours. Chirac excelle dans l'art du baisemain. Il a beaucoup d'entraînement. Il raffine l'exercice. Il se délecte à l'avance, au son d'une portière, au bruit de gravier, annonciateurs d'une proie, d'une chancelière en fonction ou d'une première dame de tel ou tel royaume. A l'affût sur la marche du perron, il savoure l'instant à venir. Chirac s'appproche avec facilité. Il sait où il va. Il n'improvise pas. Il s'acquitte à merveille de cette fausse prise de judo. Il exécute un geste suranné qui lui sied comme un gant. Pas de bras tordu. Ni grimace, ni gêne maladroite. Chirac accomplit en virtuose le rituel de l'accueil. Il crée d'entrée la sympathie. Il s'invente majordome d'une galanterie incongrue. Chirac hausse ses joues et sort ses dents. Il jubile. Sa longue silhouette un peu cabossée se prête toujours admirablement au jeu. Le grand fauve du palais a gardé sa posture d'hobereau de la République, sa souplesse de vieille noblesse mimée. Il lève la main de sa cavalière comme un verre à sa santé. A sa stupeur d'être là. En habit de président comme au premier jour de septennat. Chirac est ahurissant. Il possède le métier d'un Montand au music-hall. Il tient les doigts de sa visiteuse endimanchée jusqu'à ses lèvres présidentielles. Chirac cueille une marguerite, souffle sur les pétales d'une fleur des champs. Chirac signifie avec son corps d'escogriffe.Il joue de sa carcasse comme d'un instrument de musique. Assez sûr de lui, de ses effets, sans risquer le moindre couac avec ses vieux os. Ce geste intime de sa Chiraquie intérieure est une magistrale esquive. Il envoie promener l'ennuyeux protocole. Il chasse les mouches du cortège officiel. Chirac est alors à son meilleur. Au sommet. Touchant de simplicité. Beau dans son costume comme un vrai président.
lundi 3 novembre 2008
Point de côté
Dimanche ferroviaire. Le train bourdonne, siffle, brinquebale, grésille, hoquette. Je me suis mis sur mon trente-et-un neuronal. C'est un matin d'aventure. Je ressens la fraîcheur du rasage sur la peau. Ouvrage à couverture polaire. Dans Minuit, il y a Inuit. J'ouvre le dernier Echenoz avec cérémonie. Je risque le faux départ avant d'appareiller. Je suis de la génération Jazy. Zatopek est un dieu de la cendrée.
Nostalgie du beau "Ravel", lu d'une traite. Les miles d'Emile me laissent froid. Très vite, j'ai un point de côté. Je stoppe l'athlète tchèque. Je pratique le fractionné. Je me résous à la petite dose. Si Jean Echenoz possède toujours l'art de la ligne svelte, nul enchantement ne se produit. Page après page, je sombre dans une douce somnolence avant de me réveiller au prix d'un laborieux effort. Je lis à l'arraché. Cette histoire de pointes me laisse désappointé. Je finis le maigre volume dans l'amertume. Je songe à la quatrième place de Jazy à Tokyo. Solitude du lecteur à l'instant du récit achevé, d'un pan de rêve écroulé.
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