Jeter l'opprobre sur la magistrature, clouer au pilori une corporation entière, ne relèvent pas des prérogatives du locataire de l'Elysée. C'est un drôle de rôle que de dresser l'opinion publique contre les juges de la nation. Y aurait-il une erreur de casting au sommet de l'Etat ?
mardi 8 février 2011
Dans son rôle
Toute déclaration controversée du chef de l'Etat fait l'objet des mêmes commentaires stéréotypés de ses partisans les plus zélés: "Il est dans son rôle, le président de la République est dans son rôle, Nicolas Sarkozy est dans son rôle". La parole de perroquet sature l'espace public. A la radio et à la télévision, Christian Jacob, Christine Lagarde et Jean-François Copé se sont donnés le mot, ont prononcé sans sourciller la même formule bétonnée. Ils esquivent toute réflexion personnelle, rivalisent de servilité, bottent courageusement en touche. La défense de l'exécutif est assurée de manière mimétique avec une même indigence de vocabulaire.
lundi 7 février 2011
La fille d'Antonioni
"La fille" du film d'Antonioni a surgi de notre mémoire. Sans crier gare. C'était son jour de sortie.
Reste une vie de pellicule, en boucle, sur un écran de plein hiver. Maria Schneider émeut comme Mozart. Une légèreté, une absence, une gaminerie, comme un soleil troueur d'entrailles. Maria Schneider éblouit par sa beauté boudeuse, ses yeux si noirs d'insoucieuse curiosité, sa nonchalance animale et ses questionnements véhéments, l'espièglerie d'une enfance qui s'attarde dans un corps de femme.
J'ai fouillé en aveugle dans les recoins de l'étagère, remué la poussière, mesuré le temps passé sur mes doigts grisés. J'ai déterré le DVD de "Profession Reporter", "The Passenger", mieux nommé à l'original.
Maria Schneider est vêtue, libre comme l'air, d'une robe à mille petits coloris. Elle s'habille de confettis et des taches des papillons. Elle est joueuse et vive, lumineuse et si brune. Antonioni filme la splendeur de sa chevelure dans le bleu du ciel andalou. Maria Schneider erre dans un dédale de Gaudi, bouquine rêveuse sur un banc, s'échappe de ses doutes comme un cheval fou.
Elle menace de quitter l'histoire si Nicholson abandonne l'aventure. La mort a fixé rendez-vous, hôtel de la gloire. "La fille" d'Antonioni est partie à temps, a obéi à Nicholson. A l'instinct. L'actrice au doux sourire a succombé à ses blessures de tournage. Elle est morte, sauf en bout de rangée, à droite de l'étagère.
Voyage en Dordogne
L'escapade tunisienne de MAM fait un ramdam d'enfer. La patronne du Quai d'Orsay était aveuglée par sa soif inextinguible de congé. Au point d'ignorer les dépêches d'ambassade. A Tabarka, puis Tozeur, la ministre, aussi psycho-rigide que Jospin dans sa gloire, s'abandonna sans sourciller aux joies simples du tourisme familial. La révolution de jasmin n'était pas de nature à lui faire rebrousser chemin.
Les voyagistes sont moins têtus que l'acharnée vacancière du gouvernement. Ils sont à la recherche de destinations de substitution. La Tunisie - l'Egypte aussi - n'offre plus toutes les garanties de bronzer idiot en toute sérénité. C'est pourquoi je leur suggère une terre de rêve, mal connue des amateurs d'exotisme: la Dordogne. Nouvelle Djerba la douce, la Dordogne ne semble pas menacée par les révoltes populaires, à l'exception de la fronde de ses magistrats. C'est d'ailleurs le lieu des prochaines villégiatures de MAM qui s'y connaît en séjours d'aventure. La Dordogne figure déjà sur les catalogues de printemps. Reste une inconnue: les crues imprévisibles de son fleuve éponyme.
jeudi 3 février 2011
Mort à crédit
Je lis "Mort à crédit". Avec rien, ces lignes de génie, je suis bien. Je me délecte d'un texte en bataille, scarifié de trouvailles en pagaille. J'y revois papa, calé dans son fauteuil de velours jaune, sourire en douceur et rire de bon coeur. Céline est une gourmandise, une féerie exquise. Il raconte son enfance. Il fonce dans la langue, la défonce, tisse une dentelle délicate. Les mots sont des vitraux de poésie.
Je suis accueilli en seigneur à bord du Folio, pur bonheur d'artiste. Papa me précède dans le rafiot de la mort. Il s'est isolé pour bouquiner tranquille.
mercredi 2 février 2011
Le syndicat des princes
Ils sont dictateurs, ministres de pays libres, amis des puissants ou fortunés du capitalisme. Ils se côtoient au voisinage du luxe le plus criard, se coudoient sur des destinations ruisselantes de pognon. Ils s'apprivoisent d'un regard, se reconnaissent à leur rictus de contentement, s'identifient à l'air blasé des gens bien nés. Ben Ali, Moubarak ? Connaissent pas, perdus de vue.
Ils sont riches en riads, villas et demeures de pachas. Ils jouissent des faveurs d'éphémères gouverneurs. Ils parlent du peuple, en son nom, à sa place, avec superbe et flamboyance. Ils forment une petite communauté solidaire avec les trains de vie d'enfer et les poignes de fer.
Ce syndicat des princes craint le déclassement, la fin des privilèges, comme la peste. C'est pourquoi il se cramponne, se recroqueville sur ses trophées de caste. Le statu quo prévaut sur toute autre considération. On agrémente les mesures d'austérité de jolies fables aux tournures vertueuses. Bref, les pieux discours sur la démocratie n'ont d'autre objet que de divertir la galerie.
La foule, le peuple
Au Caire, la foule sature l'espace public. La rue grouille de ses communautés bigarrées. La foule s'ébroue comme un gros animal, déferle comme une marée cruelle. Troupeau humain sans autre berger que le chant des lendemains. La rue crée la foule comme l'élection produit un peuple. La rue fait peur au pouvoir comme l'élection est redoutée du prince. La peur voyage du trottoir à l'isoloir. Elle a basculé du côté de l'autorité. La fait douter de sa légitimité. La foule montre ses griffes, témoigne par sa clameur. La foule attend l'heure de sa métamorphose, de sa renaissance politique en sa qualité de peuple. De la foule, derrière l'isoloir, sortira l'espoir d'un peuple. Alors, pour le meilleur ou pour le pire, l'Egypte inventera son avenir.
mardi 1 février 2011
Le Pont-Neuf
La vieillesse sonne l'heure des corps qui se déglinguent. On perd l'agilité de gestes et d'esprit. Les vieux en nombre, rangés des voitures, sont guettés par l'ennui. A cet âge, l'imaginaire fait demi-tour et regarde par derrière. L'avenir recule comme une armée vaincue. Il prend peur à se voir sans futur. Il fait machine arrière et revient sur les pas du passé. Les souvenirs seuls peuplent les heures. Cette mélancolie du temps qui ne passe pas ronge le sang d'un ancien président.
Jacques Chirac se porte comme le Pont-Neuf. Il tend l'oreille, marche avec peine, se souvient moins bien. Jacques Chirac sourit volontiers, serre les mains avec une chaleureuse humanité. Il a fini sa tournée présidentielle. L'homme est d'attaque pour la correctionnelle.
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