jeudi 7 juillet 2011

Bienveillance de notation

Les agences de notation sont moins coulantes que les correcteurs du baccalauréat. Elles distribuent des zéros pointés à la volée. Au risque de faire sombrer la Grèce. Elles admonestent le Portugal au motif d'une copie bâclée. Elles installent un climat de terreur dans les rangs européens.
Dieu merci, les bacheliers français jouissent de la mansuétude de leurs examinateurs. Plus pour très longtemps d'ailleurs. Car les Fitch, Moody's et autres Standard and Poor's ont bien l'intention de secouer la poussière du vieux rituel national. Le temps de la bienveillance de notation est désormais compté.
Avec le retour à la juste appréciation des épreuves du bac sous la houlette de pions anglo-saxons, on peut s'attendre à des cris et des grincements de dents dans les chaumières de France.

L'âge d'homme

Ma bibliothèque est composée d'énigmes. S'y entassent des kilomètres de signes. J'extrais de l'étagère l'un de ces mystères à poussière. Mes doigts sont des couteaux. J'évente un secret. J'ouvre. J'éventre un livre comme on tranche une question. L'émotion est une amorce de pistolet révolver. Sa trace d'index scarifie les pages. Elle certifie l'âge d'homme.
L'éditeur de la rue Férou s'est muré dans sa carapace de bouquins. Au volant, l'ami serbe de Cingria s'est endormi dans sa camionnette. Sur la route de Lausanne, Vladimir Dimitrijevic a raté un dos d'âne. Il s'est tué, il s'est évertué. Dans la voiture bourrée à crac de littérature, il repose au milieu de ses pots d'écriture. Mort d'homme gisant dans son encre.

mercredi 6 juillet 2011

La compétence de DSK

La laideur d'un mot n'en dissuade pas l'usage inconsidéré. "Compétence": le terme est accolé d'autorité à DSK. Il en hérite en rentier. Cette qualité distinctive est trompetée à souhait dans les médias. La compétence s'apparente au dérivé technocratique de l'intelligence. Elle n'est validée par nul autre QI, aussi illusoire soit-il. A vrai dire, quand on évoque l'une ou l'autre, on ne sait jamais au juste de quoi on parle.
Or je fais l'hypothèse que "la compétence de DSK" est un préjugé tenace, un lieu commun récurrent, une idée reçue au sens du dictionnaire de Flaubert. DSK est l'initiateur des trente-cinq heures en France, décidés en pleine mondialisation, au plus fort de la concurrence internationale. Panne de compétence ? Aveuglement de grand gouvernant ? Le génie de l'économie dispose sans doute du droit à l'erreur. Reste qu'en la matière, pareille présomption d'innocence s'est traduite en lourd handicap pour la France.

mardi 5 juillet 2011

J'embrasse pas

Avenue de l'Observatoire. Vaste ciel, bouffées de verdure trouée d'ocre pâle. La clarté de juillet éblouit la demeure des antiques sénateurs. Au centre des regards, la percée vérolée d'une tour en plein bleu. On dirait le doigt de Dieu. On croise nos souvenirs d'un Mitterrand roulant dans le dernier fourré d'une improbable notoriété.
On s'attable dans la pièce blanche. Fabrice sert à boire. La bouteille de Saint Julien taquine le bout des lèvres, signale au palais la succulence d'un velouté. On parle de vélo, de Meudon, de la route des Gardes, de Destouches et de Roux.
On converse au salon tous les cinq. La tête grise de Fabrice s'accorde aux beiges, ivoires et blancs cassés des murs, cuirs et tissus. On paraphe les papiers d'usage. Les adieux font craquer le parquet. Les malades exercent leur métier avec un sérieux de prostituées: "J'embrasse pas".

Papier journal

Sensualité du papier. Liberté de le plier, de le froisser. Le journal se feuillette lentement comme s'effeuille une danseuse de charme. Il se lit sans ordre, par la fin, le milieu ou le début. Il m'appartient, il tient dans une main.
Le kiosque de juillet ressemble à l'arbre décharné, squelettique, d'un plein hiver. Nuit grève. La panne des journaux appauvrit le stock des mots. On cherche un exil. On va sur Internet. On en revient. On se fourvoie pour une poignée de clics. Sans se noircir les doigts, loin du cambouis des textes.
Ce n'est pas la démocratie qu'on assassine mais le plaisir de serrer une page imprimée entre ses bras. Au soleil d'été, à la terrasse d'un café.

lundi 4 juillet 2011

Naomi

Bern éclairait notre lanterne. Car sur le front des têtes couronnées, il n'y avait pas marqué leur pedigree. Monaco conviait les monarques de la terre entière aux noces d'Albert. Jour festif où se pressèrent Gotha et sportifs. Charlene, l'épousée, fatigua sa prime jeunesse dans des longueurs de bassin. Lui restait de pareille discipline la mélancolie d'un regard bleu piscine.
La cérémonie s'étira comme un lent bâillement au spectacle de toilettes obsolètes. Albert multiplia les bonjours avec une verve de garde-champêtre. La beauté d'ébène de Naomi Campbell déclassa les princesses de sang. Sa majesté de reine jamaïcaine introduisit une vraie minute de féérie. Naomi foula le podium écarlate. Au rythme ondulé d'un corps drapé d'émeraude. Les rombières du gala humanitaire pouvaient aller se rhabiller.

vendredi 1 juillet 2011

Untitled

Le travail n'a fait qu'une bouchée du soleil. La disgrâce s'est donnée un mal de chien à sculpter son aisance. L'opiniâtreté a eu raison de la gloire d'été.
La rage de besogne est en chasse du libre visage. A la fin des fins, la brute ébruite le secret des yeux muets. L'homme de labeur demeure planté, les quatre fers en l'air. Le don du ciel est couché en terre.