lundi 23 août 2021

Le dortoir des grandes

Osez, osez Joséphine. Osez tous les poèmes de Bashung. Osez Emma Bovary, Albertine Simonet. Osez l’héroïne de roman. Osez George Sand, Colette, Simone Weil. La liste des pensionnaires du Panthéon témoigne d’un esprit taliban. Il est temps que l’ouvrage de Soufflot devienne le dortoir des grandes. Osez Camille Claudel.

vendredi 20 août 2021

Comme une petite bonne

Biden rapatrie ses bidasses, se sauve d’Afghanistan. Les diplomates se carapatent. L’Amérique fuit manu militari. Ses alliés l’imitent en valets. La débandade est le visage d’une vieillesse, mal grimée, le rictus d’une civilisation atlantique qui claudique. L’inculture, le dollar, une morale de bazar n’ont pas suffi à domestiquer une lointaine terre ennemie. Aucun peuple n’absorbe la démocratie comme un remède de cheval. L’Afghan n’est pas un buvard qui sèche l’encre des discours d’Occident. L’esprit de revanche, aiguisé par une terreur de lèse-majesté, s’est enlisé dans le projet chimérique, toujours recommencé, d’une pacification post coloniale. Le sauve-qui-peut mesure l’étendue, la portée d’écho d’un pareil fiasco. L’âge de Biden, sa gestuelle laborieuse, accentue l’impression que « le Grand Satan » est tombé de son cheval. Go home. L’Amérique est congédiée comme une petite bonne.

dimanche 15 août 2021

Grégoire Dubreuil

Grégoire Dubreuil a choisi la nuit. Un jour, il publia un livre. Puis un autre. Du temps de notre amitié, il me confia un troisième manuscrit : « Heureux les pauvres en esprit ». Texte d’une rare dignité littéraire. A l’éditeur de qualité qui se désignera, je soumettrai volontiers la liasse de feuillets inédits – cent seize pages -, à son éventuelle attention, à sa juste appréciation.

dimanche 8 août 2021

Burn-août

Je suis fatigué des pâles apparitions du moussaillon de Brégançon. Il manque de Haddock dans la jeune tête à claques qui surgit au premier clic. Je suis déçu du petit débat des ticheurtes noirs qui complète le grand débat des gilets jaunes. Je voulais du glamour à l’ancienne, du roman-photo de bord de plage. Le jet-ski ? Déjà abandonné. Aucune suite dans les idées. Je voulais voir le chef par gros temps, les cheveux dans le vent. Fini, rangé des postures, le scooter des mers. Le petit frère des peuples délaisse son jouet mazouté comme un gosse blasé. Pas envie de purée, cet été. La pataugeoire ? Ils ont travaillé pour le roi de Prusse, les maçons de Brégançon ? Le toqué de TikTok s’en tamponne le coquillard de son bassin d’eau turquoise. Même la première dame fuit le voisinage du ponton. La philosophie du confinement, l’un et l’autre, les a secoués de l’intérieur. Alors, ils y restent. Vieux jeu, je me rabats sur la télé de papa, sur les navets réglementaires d’été. Julie Gayet, comédienne incertaine, fait la tournée des chaînes. Les patrons d’audiovisuel font du zèle à contretemps, se trompent de bonnes manières quinquennales. En revanche, Brigitte Trogneux est interdite d’antenne, même sur Ciné-Classic. Ses films sont boycottés. La télévision est outrageusement anti-Macron. Où est la liberté dans tout ça?

vendredi 2 juillet 2021

Grand dessein

Un grand dessein vient de loin. Dans son dictionnaire des idées reçues, Flaubert aurait ajouté : « gaullien ». Duras, renchéri : « forcément ». Je me suis réveillé tôt. J’ai écouté la radio. J’ai retenu les mots : « Ne pas saturer les hôpitaux ». Le grand dessein est un machin de médecins, une machinerie de toubibs qui nous mène au casse-pipe. Bref, je reste chez moi, même pas mal avec une fièvre de cheval. Je me bourre d’aspirine. Je suis brave. Avant de résilier le téléphone, je réponds à l’enquêtrice. « Non, je n’ai pas saturé l’hôpital de mon quartier ». Je le jure sur la Bible, la tête de Salomon. Je me conforme au grand dessein. Réglo avec les hôpitaux. J’ai bon. Oui, sous Macron, j’avais bon aux questions. Le dos rond est une stratégie de matou grognon. Que voit-on ? La Rem, reine d’un jour, rose majorette d’une Macronie morose, fille naturelle d’une hautaine Giscardie. Manu 1er, son roi, fut secoué par la rue, cogné par le virus. Il gouverna par vagues, par mimétisme. Manu le héros s’apparente à Walko, le maillot jaune surprise sous Guy Mollet, l’introuvable champion du Tour de 1956. Qui se souvient de Walkowiak, de sa gniaque éphémère de lauréat faussaire ?

dimanche 6 juin 2021

Assez d'actes, des paroles

Vendôme de la justice, Beauvau de la police, Orsay de la diplomatie, Grenelle de l’éducation, Valois de la culture, Bercy de l’économie, Descartes de la recherche, Saint-Germain de l’écologie, Beauvau bis de la laïcité, Balard des armées. La machine à fabriquer du colloque, du débat, du blabla s’apparente à un cheval fou, au galop des mots vers l’écurie royale, date d’expiration du mandat du cavalier de l’Elysée. On croule sous la générosité des états généraux. La multiplication des assises Emmanuel supplée l’embouteillage des comités Théodule. Les deux s’épaulent, Emmanuel et Théodule. L’oscar du bavardage absolu, du meilleur dialogue de sourds, est attribué ce quinquennat-ci à M. Jean-Paul Delevoye pour l’intégralité de son œuvre. On lui doit la magique invention de « l’âge-pivot », concept longuement mûri, peaufiné de réunion en réunion, deux ans durant d’un labeur jusqu’à pas d’heure. Trop tôt disparue, la géniale trouvaille laisse une famille de familles, une nation entière plongée dans la douleur, abandonnée au désarroi.

mercredi 2 juin 2021

Serres et La Fontaine

Il y a deux ans et deux jours, j’apprenais la mort de Michel Serres. Il ressuscite aujourd’hui avec Jean de La Fontaine, entre les lignes d’un même volume. Le philosophe et le fabuliste étaient faits pour s’entendre. J’ouvre l’inédit de Serres avec délectation. Avec l’assurance d’y croiser la jeunesse d’une pensée, les finesses enchanteresses de la langue française. C’est un luxe.