lundi 30 avril 2012

Sacrifice

Ils enjambent les estrades. Ils s'imaginent les dieux du stade. Ils causent au peuple, vocifèrent de concert. Ils parlent fort comme des enfants dans le noir. Ils ont peur. Ils pressentent l'indésirable, masqué dans la pénombre des meetings. Ils redoutent la crise invisible qui relativise le lancinant blabla de candidat.
Ils s'expriment dans un no man's land, loin du monde. Fin de campagne. Nouveau pape. La crise sort de sa cachette, demande un micro, parle net. Le peuple sait d'avance que le sort de ses fils s'appelle sacrifice.

samedi 28 avril 2012

Mademoiselle Grimaud

Le mauvais rire d'avril s'échoue dans les eaux jaunes d'un vin de Sicile. Je trinque à la fièvre du corps. Je rassemble mes épithètes. Je revois l'ingommable image dans ma tête.
Ils lèchent son échine de fille offerte. Ses lèvres rutilent de plaisir. La beauté se rassasie de cruauté. L'artiste exaltée se nourrit du silence triste des loups. Un même feulement rauque incise le concerto de Rachmaninov. La brusquerie de l'oeil déjoue la mièvrerie des mails. N'est sauvage que la rage d'un premier âge. Les voyelles se fourvoient à commenter la voix. Mademoiselle Grimaud répugne aux mots sans écho. Aucun lexique ne domestique la musique. Elle règle le tabouret, toise le Steinway, se tourne vers la cité: "Aussi sot que de danser la sculpture".

vendredi 27 avril 2012

Populisme

L'un s'écrit en latin, l'autre en grec. Mais les deux mots s'équivalent. Ils désignent le peuple sous un mauvais visage. Populisme est l'exact sosie de démagogie. Le terme peu reluisant est réservé au parti lepéniste, refuge d'une majorité d'électeurs ouvriers. Celui de démagogie suscite moins d'animosité. Il se fonde sur la même racine que démocratie.
A la vérité, toutes les familles politiques sont populistes et démagogiques. A des degrés variables. Mendès France et Barre l'étaient moins que Mitterrand et Chirac. Au final, ils ont peu exercé le pouvoir. S'affranchir du populisme, c'est se couper les ailes d'un éventuel succès. La politique ne peut faire l'économie de la séduction commerciale. Les deux finalistes, Hollande et Sarkozy, sont pareillement populistes.

mercredi 25 avril 2012

Démocratie française

La joute présidentielle a montré les lacunes d'un système notabiliaire obsolète. On s'illusionne sur la démocratie française. Faute des signatures nécessaires, un ancien premier ministre n'a pu concourir. Au même motif, un chef de parti, recueillant 18% des suffrages, a failli renoncer à la compétition.
En revanche, plusieurs candidats fantaisistes ont aisément rempli les conditions exigées pour prétendre à la magistrature suprême. Leurs projets anecdotiques ont squatté les grands médias au risque de défigurer la République. Il est temps de réformer un mode de désignation, fait pour et par les notables politiques, au détriment du peuple.

mardi 24 avril 2012

La princesse des contes

Hollande est à deux doigts de saisir l'étoffe de sa majestueuse parure, de conquérir la belle étrangère de ses rêves. Il songe à son bonheur, se projette dans sa victoire. Sarkozy sent qu'elle lui échappe, qu'elle détourne son regard.
Hollande imagine qu'elle lui est destinée. Sarkozy s'éprend d'elle à l'instant de la perdre. Il s'agit de la France, de "la princesse des contes" évoquée par de Gaulle. D'Albertine, Proust écrit ceci: "On n'aime que ce qu'on ne possède pas"(La Prisonnière, page 886, La Pléiade).

lundi 23 avril 2012

Le sprint final

Marine Le Pen engrange la colère des travailleurs à la peine. En bulletins de vote, elle vaut presque l'addition de Bayrou et Mélenchon. L'écoJoly est dans les choux.
Hollande sort en tête du virage. Sans forcer la cadence. Il aborde en confiance la dernière ligne droite. Le teigneux Sarkozy lui mordille les basques. Dans un style peu académique, il se déhanche à la Zatopek, se bat comme un beau diable. Hollande est dans son couloir comme dans l'isoloir, en quête de victoire. Commence l'emballage du sprint final.

dimanche 22 avril 2012

Panneau

Les panneaux électoraux ne sont pas des panneaux solaires. Aucune électricité n'émane des miroirs de la cité. Aucune vraie fièvre ne filtre des autoportraits de la société. Leur sourire hésite entre meeting et marketing. Il égratigne la grimace des invisibles.
Le jour du vote, au coin de la rue, le badaud tombe dans le panneau. Une bande d'hommes, à visage pâle, sollicite un satisfecit. Le panneau électoral est un trou noir qui absorbe l'énergie du peuple en mal d'espoir.