lundi 17 mai 2010

Peuple intouchable

On voit des peuples partout. Sur la Canebière, le sacre national de l'Olympique de Marseille a jeté la cité phocéenne hors de ses frontières. La grande rigolade s'est fédérée autour d'une large banderole placardée sur les murs de l'hôtel de ville: "La victoire de tout un peuple". On pensait que la nation était indivisible et que son peuple s'identifiait d'un seul bloc. Or la furie du foot frappe d'obsolescence pareille réminiscence républicaine. A l'heure des entités géopolitiques de taille continentale, la deuxième métropole de France revendique haut et fort l'expression de "son peuple", privilégie l'appartenance à la tribu du cru au détriment de la République.
L'époque est au questionnement de la notion de peuple. Elle se situe au coeur de l'actuelle crise européenne. Par définition, le peuple est paré de vertus indiscutables. C'est la face embellie du collectif, le bon profil de la foule ou de l'opinion. Son verdict implacable manifeste le primat de la parole démocratique. Le grand récit de la démocratie est fondé sur l'axiome du peuple intouchable.
Or aujourd'hui, en pleine tempête financière, les démocraties de la zone euro font figure de paniers percés. La réalité des comptes publics révèle que la démagogie des élus ne se limite pas aux seules promesses. Car les gouvernants exécutent leurs chimères de campagne. D'où la pratique invétérée de budgets à trous. Jamais en démocratie la tyrannie du peuple ne s'est autant exercée. Ses représentants cèdent aux tourbillons contraires de l'opinion. Ils endossent une conscience de dames patronnesses, distribuent des brioches au peuple qui mendie, se prévalent d'une générosité d'emprunt.
Bref, la faiblesse des puissants consacre la spirale démagogique qui gangrène la démocratie. Elle jette un voile mortuaire sur la vérité économique la plus élémentaire. Elle cache le cadavre de la liberté. Sans le sou, nous sommes endettés jusqu'au cou. Nous sommes prisonniers du crédit comme d'une burqa. Les gouvernements des songes, élus sur des mensonges, bradent l'indépendance, brident aujourd'hui la croissance.
Car le peuple fait peur. Sa colère terrifie. Les princes de démocratie apaisent ses furies par l'oublieux sommeil du crédit. Mais la main d'emprunt ne peut secourir d'instinct, glisse entre les doigts du noyé. Nous boirons la tasse jusqu'à la lie de l'euro.

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