jeudi 6 mai 2010

Une puissance moyenne

La France peine à accepter la réalité. Elle ne se voit pas bien dans la glace. Elle refuse d'endosser son statut de puissance moyenne. De Gaulle n'a pas facilité le travail du bon sens. Le grand récit gaullien a hissé le pays au dessus de lui-même. Il a fait rêver son peuple au dessus de ses moyens. D'où la nostalgie récurrente, exprimée d'avance par François Mauriac: "Regardez bien, car vous ne verrez plus jamais ça". Grâce aux archives, les conférences de presse du fondateur de l'actuelle république donnent cependant une idée de la grandeur déboulonnée.
Giscard au pouvoir, "à la barre", s'est vécu en skipper, en plaisancier du dimanche. Chiffres à l'appui, il s'est résolu à briser le tabou. Il a quantifié la dimension réelle du pays: 1% de la population du monde. A ajuster à son rayonnement. Mitterrand et Chirac ont emboîté le pas de l'Auvergnat, avec ici ou là, des traces infinitésimales de l'ancien panache.
Aujourd'hui Sarkozy colle à merveille à la réalité statistique d'un pays rentré dans le rang. Il a liquidé l'inutile apparat pour les futiles caméras. Il s'est débarrassé du style. Il se soucie des manières comme d'une guigne. Son refus de la prestance l'apparente à un acteur comique, à un sportif vantant la gagne à tout prix, à un boutiquier ricanant des choses de l'esprit.
La France de 2010 - démographie, économie, culture - est en phase avec son président et réciproquement. Elle ne fait pas d'étincelles, navigue en milieu de classe. Loin des sommets où se joue le destin du monde. Sans beaucoup d'égards pour les fins, elle se concentre sur les seuls moyens. Or en temps de crise, ils s'amenuisent. Faute de grand dessein, la puissance moyenne est coincée dans son costume étriqué.

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