vendredi 13 avril 2018

Pernaut consulte

Sur les murs de l’école, les couleurs des marmots font ce qu’elles disent : elles jurent entre elles. A Berd’huis, on s’initie à la peinture à l’huile. On pratique le collage et le graffiti au détriment de l’apprentissage de l’écrit. L’hégémonie chromatique règne sur une classe gribouillée. La République distribue des diplômes en caramel bistouille, pas des certificats en chocolat.
C’est là, dans l’Orne et ses mornes bocages, que le président Pernaut, prince des terroirs, a convoqué son chef de culture, Macron, le géographe de l’île de Guyane. Notre débonnaire président consulte son meilleur régisseur sur l’évolution des derniers chantiers. Il écoute religieusement le déroulé des boniments.
Macron est un technocrate de haut niveau qui parle de son grand-père cheminot. Il est vitaminé à l’excès. Il ressemble à Lance Armstrong, aussi blanc de figure, déterminé à pédaler jusqu’au bout de la grande boucle. C’est un cycliste de contre-la-montre aux jarrets métalliques.
Le président des champs de luzerne ne veut pas passer pour une baderne. Jean-Pierre ne veut pas qu’on lui raconte des histoires. Il peut se fâcher. Mais la maîtresse de l’école l’a prévenu avec délicatesse si l’atmosphère venait à s’envenimer. Elle sait que Macron est un bouillant soldat, qu’il peut faire des éclats si Pernaut l’asticote un peu sur le résultat des courses. En tout cas, le conseil municipal ne tolérera aucune déprédation du local.
Moi qui suis retraité, et bien qu’un peu dur de la feuille, j’ai compris que je ne serai pas traité comme un portefeuille. Qui bene amat castigat bene. S’il me châtie ainsi, c’est qu’il est mon ami. Mieux : le bénévolat des vieux est leur destin, un bâton de maréchal en chocolat. Macron pousse le bouchon jusqu’au fond.
J’aurais mieux fait de m’encorder à une start-up. D’autant qu’il est là pour cinquante ans, le véhément garçon. Il retape les fondations de la grande nation. Le président Pernaut, jadis lobbyist chez Bouygues, écoute sans mot dire l’évocation d’une maison de Macron. Il possède sur le bout des doigts l’argumentaire de la maçonnerie. Ce sera une maison sans taxe d’habitation. Même si l’argent domestique n’est pas magique. J’ai lâché un peu, mais me suis réveillé à cause du mauvais français. J’ai eu l’oreille éraflée. A Berd’huis comme à Paris, on ne dit pas « ce midi », mais « à midi ».  
Je me calque sur ce que disent Macron et les cheminots, sur tous les tons.  Je suis allé jusqu’au bout. Mais, au bout du bout, il y aura trop de monde. Ou pas assez de bouts.

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