dimanche 6 mai 2018

Les événements de Mai 68

J’en retiens deux qui, à mes yeux, sont destinés à demeurer longtemps. Un écrivain qui meurt, une actrice à l’affiche. On enterre un homme qui s’appelle Chardonne. Pas un chat dans les cinémas. Le spectacle est dans la rue.
Dans Matinales, Jacques Chardonne vend la mèche : « On veut une neige fraîche où personne n’a encore marché ». Je crois en la phrase parfaite. Je lis Chardonne comme je prie la Madone. C’est « un maître à vieillir » disait Morand, un autre dur à cuire. Edmond Jaloux parla d’ « une prose argentée ». « On ose à peine lire, à peine toucher ces pages, de peur de disperser cette poudre irisée ».
C’est une reine. Elle était née le jour des rois. Resnais sort « Je t’aime, je t’aime » dans des salles désertées. Olga Georges-Picot est une brûlure brève, l’actrice d’un film, dont la fugitive beauté ravive l’écho. La star est une diablesse d’une espèce rare. Une comédienne révèle en pleine lumière sa féminité de feu. « La peur, c’est quand on a chaud ; la terreur quand on a froid. »
Les événements de Mai 68 se résument à deux artistes sublimes, anonymes : un vieil homme  que personne ne lit, une fille, la plus belle du monde, qu’on ne regarde pas.

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