dimanche 25 novembre 2018

La confusion d'esprit

A Louise Colet, le 8 août 1846, Gustave Flaubert écrivait : « De toute la politique, il n’y a qu’une chose que je comprenne, c’est l’émeute ».
Le petit élève de Ricoeur, premier de la classe, est loin de « l’idiot de la famille » magistralement dépeint par Sartre. Le jeune auteur de Révolution, expert en radicalité, est interrogé par le spontanéisme de la révolte. On dirait une poule devant un couteau. Cadre pas avec la retape des start-up. L’ancien khâgneux se cogne aux ruades de la rue. Il n’a pas lu Camus, « le philosophe pour classes terminales ». Ou en diagonale. L’axiome de L’Homme Révolté ne l’a guère ému : « Je me révolte donc nous sommes ».  Pas assez jargonneux pour un révolutionnaire à lendemain radieux.
Or les gilets jaunes accomplissent une solidarité éruptive, réunissent de manière instantanée tous les damnés de la précarité, vidés d’office des banquets de l’Elysée. La belle allée triomphale de Paris est devenue le théâtre ouvert des exclus, le lieu des barricades et du tohu-bohu.  
Le disciple de Ricoeur, spinoziste à ses heures, a réveillé « les passions tristes » du peuple, ses rancœurs et son ressentiment. L’injustice, qui se revendique tête haute, sécrète l’émeute jusqu’au sacrifice. Il y a du rouge sur les gilets.
Les marcheurs du pouvoir, virtuoses des marchepieds, clament urbi et orbi qu’ils entendent la longue plainte des miséreux. Ils se précipitent dans l’empathie. La détresse attendrit ses pathétiques dames patronnesses. « Assez d’écoute, des technocrates ! ». « Assez d’actes, des paroles ! ». L’impéritie se traite par l’ironie.
Au départ du grand ratage présidentiel, il y a la confusion d’esprit érigée en modèle d’habileté. La stratégie du méli-mélo prétendait se substituer à la logique  d’Aristote et à son principe du tiers exclu : A et non A ne sont pas compatibles. Rien de moins.
Le désordre de la pensée se répand sur les chaussées. A désorienter un peuple, on s’expose au tumulte. L’exemplarité est d’un terrible effet.
Depuis peu, le fringant politicien se recommande du populisme, use sans vergogne du vocabulaire le plus publicitaire, plébiscité par l’opinion en colère. Bibi le populiste change de pied au gré de ses fantaisies les plus opportunistes. Il se plaît aux conversations de coin de foule comme un bourgeois aime s’encanailler au plus près de la pauvreté. On appelle cela : « le terrain ».
« En prison pour cause de médiocrité !" (Le roi Ferrante dans La Reine Morte). La tirade de Montherlant lui va comme un gant.

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