L'article de M. Badinter (Le Monde daté du 28 avril), consacré au projet présidentiel d'introduire des non-magistrats dans la composition des jurys des tribunaux correctionnels, exprime une considération singulièrement hautaine du peuple. Une certaine morgue patricienne guide sa plume. L'ancien ministre désigne les nouveaux jurés de "simples citoyens", voire de "citoyens ordinaires". Ces condescendantes appellations laissent entendre qu'a contrario les magistrats de métier sont des "citoyens complexes" ou des "citoyens extraordinaires". Jean-Luc Godard a jadis rabaissé le caquet des corporatismes cinématographiques en parlant plaisamment des "professionnels de la profession". En matière judiciaire, un même vent de liberté relèverait de la salubrité publique. Il dépoussièrerait les vieilles consciences remplies de suffisance.
A vrai dire, on se demande si dans la bouche des élites légitimes du droit l'expression "simples citoyens" ne signifie pas "citoyens simples", pour ne pas dire "simplets". Ces aimables qualificatifs, qui créent des niveaux de distinction dans la citoyenneté, sont destinés à fustiger "le populisme judiciaire". Ce mot galvaudé de "populisme", jeté en pâture, réveille les manichéismes sécuritaires. "Populisme" est un vocable dont le sens m'échappe, à moins qu'il ne s'agisse de discréditer - sans autre forme de procès - un hypothétique "mauvais peuple".
Bref, la laborieuse leçon de l'ancien garde des sceaux use d'un ton de dame patronnesse, assez détestable.
mercredi 27 avril 2011
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