jeudi 14 avril 2011

Nourissier

Je musarde dans le gros volume de Nourissier. Lecture d'avant-dîner. J'ai cédé à sa mauvaise tentation. J'ai ressenti de la pitié suspecte pour le vieil homme défait. Jusqu'alors, j'étais dissuadé par l'ennui d'un visage. J'évitais sa barbante mélancolie.
"A défaut de génie" est un livre sans cérémonie, un manuel de coquetterie. Nourissier s'applique. Il donne un ultime coup de collier pour figurer sur la liste des épargnés. A corps perdu. Vain courage d'enragé. L'ancien compagnon d'Aragon n'est pas un grand fêlé des mots. Il n'est pas brûlé au dernier degré. C'est un bon serviteur, comblé d'orgueil et d'honneur. Il fait de son mieux. Il écrit juste, net et concis.
Il nous émeut à vouloir nous sourire un peu, du coin de ses yeux embués. Il parle comme personne de la maladie de Parkinson. Il cause du malheur, l'évoque de l'intérieur. Je lui dois d'avoir revu mon père derrière sa phrase lucide. D'avoir peut-être conversé avec lui, partagé sa longue douleur muette. Avant d'entrer, j'ôte mon chapeau.

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