jeudi 30 janvier 2014

Vieux os

Aux hommes finis, Venise donne le tournis. Ces plafonniers m'obsèdent avec leurs loupiotes encapuchonnées d'un bonnet de nuit flasque.
Le vaporetto plisse l'eau des badauds. On se noie dans la défaite des lois. Marinetti, dans Morand, au sujet des gondoles: "Des balançoires à crétins".
J'économise mes heures depuis que je sais lire l'horreur à Venise. Je regarde, d'un sourire en coin jaune, la sorcière édentée de Giorgione.
Dans l'intervalle, les nuages bleuissent, perdent leur coton matinal. Je raffole des lustres à pâte molle. Je rentre tôt. Me suffit le Ritretto de Guardi au palazzo Rezzonico.
L'eau de la ville prend la couleur d'huile d'olive. Les ciels de la basilique éblouissent d'une lumière pain d'épice. Mosaïque veut dire peinture.
C'est le mot musique réservé à l'art graphique, dédié à l'oeuvre de pinceaux. Venise est sise là où musique et peinture s'indivisent.
Vues du Florian, les arcades sourcilleuses des Procuratori impriment au temps un témoignage de pierres taiseuses. Cioccolata in tazza.
Seuls les clochards d'Amérique périssent dans les parages de La Fenice. Il faut s'appeler Ezra Pound pour finir sous les eaux, à San Michele, le cimetière insulaire. Vieux os et sacerdoce des Cantos.

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