vendredi 31 janvier 2014

La langue des émotions

Trop froid. La gifle du vent nous détourne d'un tourment. La Giudecca s'éloigne. On se balade à portée des eaux livides. On n'échappe pas à l'échoppe. Je feuillète l'album des sanguines de Pontormo.
Les parapets donnent accès à La Fenice. Un drap claque sur la façade d'opéra. On jette une tête. Le théâtre est vide.
L'ouvreuse ensommeillée me fourre un fil dans l'oreille. Nous flanque dans la loge impériale. M'accoude au fauteuil de Napoléon. Le bidule zézaie sa petite fable. Il instruit des incendies. Il est vite obsolète. J'arrache la mauvaise herbe de mes cheveux encasqués.
Car soudain j'apprends la hiérarchie des langues. Le chant gomme les petits accents de second rang. Le bel canto périme un indigent babil. La langue des émotions fait taire la langue de la raison.
Une jeune cantatrice en jean cède au caprice de sa voix. J'assiste au sublime débraillé d'un travail de chantier. On dirait La Clémence de Titus. Je me tasse à mesure.

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