mardi 7 avril 2015

Une langue étrangère

Chambre trois cent vingt-cinq, huit avril, Sainte Julie. Maman est morte. Dimanche, je vois ses yeux d'aveugle, blancs comme un texte manquant. Je sens ses doigts. Maman a choisi son côté d'oreiller. Elle est couchée dans un lit en chien de fusil.
Elle dort d'une respiration régulière. Elle est confiante comme une enfant. Elle est loin de moi. Elle est avec les anges, plus qu'avec mes phalanges. Je touche sa paume. Ma peau, mes doigts ne lui font ni chaud ni froid.
Je suis muet. Je ne sais pas parer au plus pressé. J'entrouvre une porte. Maman est morte en quelque sorte. On ne s'est rien dit du bonheur, on s'est manqué à un quart d'heure. J'ai du mal avec les images d'hôpital. La mort m'est une langue étrangère.
J'écoute son souffle comme la musique de l'amour, l'extrême misère d'une chair. Avant qu'elle ne se désaccorde, avant que la mort ne morde, avant que les jours ne se fâchent et que la mémoire ne s'ensable. Elle se donne en madone. J'emmagasine une faiblesse comme une force invincible. Je veillerai jusqu'à son réveil.

Aucun commentaire: