jeudi 18 février 2021

Comment tu me parles ?

Le préfixe re- est accommodé à toutes les sauces. On le sollicite à l’envi pour épaissir une expérience, mentir sur une mince existence. Il est obligatoire de relire Proust – c’est un dû – sans jamais l’avoir lu. Quand c’est la bonne année, à l’heure de la commémoration officielle, on revisite Napoléon, sans qu’une première fréquentation n’ait précédé l’impérieux emballement du moment. Il est de bon ton de se réinventer comme nous l’exhorte un président quoiqu’on soit bien embarrassé de trouver la trace d’une invention d’origine. Les verbes. Les vilains verbes poussent comme de mauvaises herbes. Maudit chiendent. Une décision impacte : il eût suffi qu’elle affecte. Dans la foulée, on nous fourgue son corollaire : une mesure solutionne à défaut de résoudre. Les princes qui nous parlent sont en charge, délicieux anglicisme, exquise subordination linguistique : ils fourrent des malles volumineuses dans le coffre d’une nation. A notre oreille exercée, ils susurrent qu’ils sont en responsabilité. Traduire : ils s’acquittent d’un métier. Avec, au besoin, une précision d’haltérophile : « Le projet que je porte ». Cette langue de forts des Halles fait lever le sourcil. C’est ainsi. On s’habitue mal. Dès lors, un remède s’impose. Je propose la création d’une application mobile StopMotsVides qui traquera les dysfonctionnements du parler d’Etat. Sans trou dans la raquette, cette fois, et qui coche toutes les cases. Evidemment.

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