vendredi 5 février 2021

Les hauts plateaux

Sur les plateaux, on sert la soupe en guise d’apéro. Les visages professoraux s’illuminent jusqu’aux oreilles. Le chef de table attribue les satisfecits, précise les expertises, exalte les faits d’armes. A chacun des carabins, il désigne son petit libelle non essentiel, le tapote sur la tranche, l’exhibe comme un sublime verbatim, à la manière d’un journal intime, ou même des mémoires de guerre. Sur les plateaux, on distribue la parole des hôpitaux comme on diffuserait une réclame pour une Fiat Uno. Les toubibs acclimatent leur bouille à l’audimat. La platitude règne comme par habitude. La platitude n’est jamais que le privilège des plateaux. C’est leur genre de beauté ; une conversation de bistrot pour le plaisir de causer, de ramener sa fraise, ses phrases, de caler un babil sur un nombril. Nombril d’où jaillissent les nombres. Ils disent l’expertise. Ils dictent les hypothèses. Sur les plateaux, les blouses blanches sont des cartomanciennes qui soumettent une ignorance au verdict d’un tarot. La guerre, la der des der des variants, c’est le casse des toubibs sur une opinion bouche bée. Un braquage de gangsters qui ont conservé leurs masques. La logique des plateaux contamine les chiffres, les diagrammes d’encéphalogramme plat. Hauts plateaux. Dans la savane, très en aval de l’hôpital, on a peur pour son âme. La science est une foi, une croyance de casino, qui professe un bon droit, s’entend avec un croupier complaisant pour le numéro gagnant. Sur les plateaux, on repasse les plats.

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