dimanche 9 mars 2025
Mouiller le maillot
La guerre est un exercice de morts volontaires. Le casse-pipe est un suicide groupé, béni des papes d’état-major. Mourir pour le maillot. Mourir pour le drapeau. Jamais mourir pour rire. Batailler pour de vrai.
Un soldat tombe. Lucu supplée Dupont. A Dublin, le Quinze tricolore a souffert le martyre durant un gros quart d’heure. A Dublin, les hommes de main, de jeu de vilains, avaient grandement faim. Les échappées belles de Bielle s’apparentaient à des désespoirs de gamelle. C’est la fringale qui ouvre le bal. Ils avaient vingt ans, le goût de l’ouvrage, le respect de l’étendard.
Lucu fut un merveilleux poilu, à fausse calvitie, un admirable grognard, un substitut exemplaire en sa qualité de hussard du banc des « coiffeurs ». J’ai vu Lucu à la baguette, à la chistéra d’apparat. Durant une heure de plénitude absolue, Lucu honora Dupont, le meilleur du bataillon, fit oublier le grandissime éclopé. Maxime est grand, suffit de comprendre le son de son prénom. Ces hommes-là vont droit au texte, la tête au combat, pour la beauté du geste.
La guerre est déclarée sur des marches d’Elysée. Les menaces grouillent aux portes, affluent comme des termites à nos frontières trouées. Un freluquet de palais convoque l’épée. Je veux bien mourir, mais pour plus haut que moi, offrir une vaillance à ma première et seule chance, la France.
« Notre Europe », dans le sabir du monarque, n’est qu’un pater noster de pacotille, une culpabilité imposée du dehors de nos corps. Je meurs, tous les jours, du bonheur de jouir à mon aise de la langue française. Je déserterai illico presto le terreau belge, si l’on m’agite sous le naseau les étoiles fanées, les trente-six chandelles du petit fanion paroissial de Bruxelles. Je mourrai à mon poste, la plume plongée dans l’encrier, ivre de l’idiome, dans la griserie du gribouillis. Avec les mots, je mouille le maillot. Je meurs de ma belle mort. Volontaire d’une guerre française.
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