samedi 17 novembre 2018

Guérilla civile

Le pays est une poudrière jaune fluo, un quartier difficile élargi, une sorte de banlieue parisienne de non-droit, inflammable à la première étincelle.
La guérilla civile, prédite par Collomb, bivouaque sur l’asphalte, s’installe dans les régions en révolte.
Face au peuple enraciné dans un terroir, le président est hors sol.
Un mort, des blessés graves. Monde de brut, univers de brutes. Un gilet jaune est fauché. Des flaques de rouge résultent des hausses de taxes. Le sacrifice d’une pauvre femme est le prix d’un sentiment d’injustice généralisé.
Macron fait le dos rond.  Arrête les selfies, Manu ! C’est la vie du pays, la paix d’une nation, où l’on s’entretue, qu’il faut rétablir illico presto.

lundi 12 novembre 2018

Le requiem des poilus

Temps pourri de 11 novembre. On s’alanguit devant la télévision. Je regarde l’arrivée du Tour de l’itinérance mémorielle, course à étapes de fin de saison. Final majestueux sur les Champs-Elysées. Sprint massif des dignitaires du peloton. Trump et Poutine, les leaders du classement général, n’ont pas pris part à l’emballage terminal. C’est Macron, le régional de l’étape, qui rafle la victoire. Il a soulevé le trophée de l’Armistice devant le public en liesse.
C’était un jour de crachin, un dimanche de chagrin. J’ai observé la cargaison de dignitaires fourrés dans des autocars. J’ai zappé le grand raout de la paix. Car les sermons à répétition pèsent une tonne d’ennuyeuse communication. On pérore plus qu’on ne commémore. Le petit marquis a déambulé au centre de Paris, exhibé ses dents de requin, arboré son sourire de trader patricien. Macron achevait sa tribulation territoriale, son micro-trottoir mémoriel. Il ralluma la flamme du soldat inconnu, premier de cordée, lié aux cache-cols jaunes, illustrant sa brillante théorie du ruissellement.
Sous le coup de cinq heures, la musique de Wolfgang Amadeus Mozart a tué le match, a ressuscité les morts dans la cathédrale de Verdun. On s’est décoiffé devant la beauté comme devant les gueules cassées. La splendeur sonore, hors les mots, était seule à hauteur des héros des tranchées. Arte, la chaîne franco-allemande, a fait le job quand d’autres soignaient leur pub. On s’est tu devant le requiem des poilus.

jeudi 8 novembre 2018

9 novembre 1970

Au kiosque, boulevard Malesherbes, la marchande aux yeux rouges souffrait dans sa chair qu’une bande de galopins parlât si librement du grand Charles et qu’une feuille satirique titrât « Bal tragique à Colombey : 1 mort ». 
Par les métros, les nez piquaient plus qu’à l’accoutumée dans les journaux déployés. Inentamable dans sa grandeur désuète, de Gaulle intéresse davantage et autrement.
Artiste monstre comme peut l’être Céline en littérature, de Gaulle nous émeut de la même manière.
Pour faire l’histoire, de Gaulle travaille comme un nègre. Ce général dégingandé et l’ermite de Meudon sont deux fous furieux du style.


(« C’est encore loin de Gaulle ? », Editions du Bon Albert, page 9)

mardi 6 novembre 2018

Ecrivain pour mulots

Dominique de Roux nous manque cruellement. L’écrivain fulgurant s’en serait donné à cœur joie. Le pétillant pamphlétaire, qui s’était délecté du Servan-Schreiber de L’Express (« Contre Servan-Schreiber », Balland, 1970), se serait régalé avec le petit président des selfies ahuris. Macron, l’ami des chasseurs, a trouvé un terrier de braconnier pour un scribouilleur de terroir : le Panthéon, la pantalonnade du Panthéon.
Macron aime s’écouter discourir, rue Soufflot. Il s’imagine bonimenteur hybride, à la fois de Gaulle et Malraux. Au Panthéon, il flanque l’auteur de « Raboliot » et sa cargaison de récits solognauds. Dans « Immédiatement » (Bourgois, 1972), recueil de pensées sauvages, le grand écrivain exécute en trois mots le brave chroniqueur des tranchées : « Maurice Genevoix, écrivain pour mulots ». Dans les belles lettres, Dominique de Roux est notre meilleur fusil. Ce genre d’artiste exerçait son métier avec une virtuosité de premier ouvrier. Il tuait sans blesser. Genevoix n’a pas souffert.

mercredi 31 octobre 2018

Le costard du Général

Macron ne tourne pas rond. Il veille trop tard avec ses parapheurs. Manu se sent un peu « chuchu ». Il fait sa chochotte. Non, le crack est patraque. Il manque de niaque. Il perd des points de popularité et des cheveux sur les côtés. Il maigrit dans les sondages, réfléchit à son pouvoir de rachat. Il flotte dans son complet-veston, le costard du Général. Et il n’y a même pas de toubib dans la start-up. Si, Buzyn. Le paltoquet du Touquet a besoin d’être ausculté. A elle de le revigorer avec du glyphosate de cheval, de lui prescrire de vrais médicaments pour relancer la machine à boniments.
Le beau jeune surhomme s’est inscrit au Marathon de la Grande Guerre, au Challenge de l’Itinérance Mémorielle, au Grand Cross de la Boucherie Féroce. C’est crâne et c’est bobo. Il gambade dans dix départements avec de vrais gens, dans les tranchées avec de vrais poilus, dans les corons avec de vrais ouvriers, dans les déserts ruraux avec de vrais paysans, dans les périphéries d’hystérie populiste avec de vrais fascistes. Il s’aligne dans une compétition d’Hercule (il est mieux que Jupiter) qui va épater la nation. A vrai dire, c’est un gigantesque Décathlon du Temps Long. Il nécessite tous les éléments de langage corporel de Kevin Mayer, notre meilleur champion de la mondialisation.
Sur les podiums de la commémoration, il importe que le Mayer d’entre nous tienne la dragée haute à Poutine, qu’il torde le bras de Trump. Il s’entraîne d’arrache-pied, le stagiaire de l’Elysée. La boxe est son Botox. Il se bat avec son agent de sécurité, le Benalla bis de service. Peut-être trop d’ailleurs, car il accuse le coup.

vendredi 19 octobre 2018

Michaux

Henri Michaux est mort aujourd’hui, hier pour les retardataires, un 19 octobre, il y a trente-quatre ans. Vingt ans auparavant, l’étudiant Jean-Marie Gustave Le Clézio lui consacrait un petit travail de fin d’études sur le thème de la solitude.
A partir de 18h30, mardi 23 octobre, à la librairie L’autre Livre (13 rue de l’Ecole Polytechnique 75005 Paris), je lirai, parmi d’autres passages, deux pages écrites à sa gloire qui figurent dans L’amitié de mes genoux  (5 Sens Editions). En voici un extrait :
« A quarante ans, vingt ans aller-retour, il écrivit de mémoire le récit du voyage, son carnet ethnique. Visages de jeune fille, un texte lentement halluciné, une prose royale d’ivrogne, qui sèche au soleil. Michaux fait un petit travail miniature, sans y toucher, de son doigté de fée. C’est une sorte de cri crayonné, le croquis dernier cri de deux ou trois jeunes filles de la terre. Michaux est invincible quand il écrit la fin, et le début d’une femme. »

mardi 2 octobre 2018

Causerie du mardi

Mardi 23 octobre. « Sauver la date ». Sauver la date sur vos tablettes de cire. A partir de 18h30, je lirai des passages de « L’amitié de mes genoux » (5 Sens Editions), à la librairie L’autre Livre, 13 rue de l’Ecole Polytechnique 75005 Paris.
Un verre de l’amitié va de soi. On choquera nos gobelets de vin mauve à la santé de la reine mère la langue française. Cela me fera très plaisir de vous voir.