vendredi 19 août 2011

Un art

Je trouve que Jean-Hervé Lorenzi, brillant professeur et universitaire de renom, pousse le bouchon un peu loin en proclamant que "la politique économique doit retrouver son statut de véritable art" (Le Monde daté du 20 août ). Que l'exercice du pouvoir et la mise en oeuvre des enseignements de la science économique nécessitent du doigté et de la subtilité, je n'en disconviens aucunement. En revanche, je m'insurge contre un label artistique - le mot "statut" me sidère - attribué aux valeureux Trissotin de notre quotidien.
L'excès du propos dévoie le sens d'un mot emblématique. L'art relève d'une pensée humaine à son sommet, touche à la beauté du monde. Dans les interstices du même journal (Le Monde daté du 20 août), rubrique carnet des décès, on lit cette superbe phrase de Leos Carax: "Je crois que la beauté n'est pas autre chose que l'expression du fait qu'une chose a été aimée". Bref, l'art exige qu'on se garde de galvauder sa haute signification. L'économie n'est pas la musique. La politique n'a rien à voir avec la peinture. La politique économique ne voisine pas avec la poésie.
La justice des hommes se nourrit de la justesse des mots. Albert Camus a écrit quelque chose d'approchant.

mercredi 17 août 2011

Le porte-avions

La poubelle est une verte compagne. Elle sympathise avec le clochard des aurores, la pauvre hère des noirs trottoirs. Le veilleur de territoire, coincé entre banc public et déchetterie, s'est levé d'un bond pour exhiber sa trouvaille de l'été: la maquette en plastique d'un porte-avions d'Amérique.
Il s'approprie le jouet, l'accueille dans sa crasse, l'installe entre vin mauve et pièces jaunes. L'objet pivote dans sa paume. L'homme sourit comme s'il domestiquait un oiseau. Le rêve d'un enfant a trouvé son capitaine.

mardi 16 août 2011

Le stress des fourmis

La croissance a rogné les dents du président. On ne l'apprivoisera pas comme ça, même avec des crocs d'animaux. Nous rêvions de triple galop. Or nous n'héritons que d'une croissance zéro. Du coup, on se recroqueville sur son triple A. On s'y cramponne comme à un vieil Eden. La zone euro n'en mène pas large outre mesure. Les cigales d'Occident s'interrogent sur leur insouciance. Elles sont assaillies par le stress des fourmis.

La paille

La paille est ficelée aux heures d'été. Ligotée au petit matin dans les champs silencieux. C'est un cirque insolite à mille roues immobiles. Temps d'attente d'un étang, d'une mer rouge. Sainteté du coquelicot, cheminant dans la pierre.
Au sud, la couleur retourne à ses pinceaux. Un grand gars s'embrouille dans sa musique. Baragouine le chant des oiseaux. Saute, fait l'aplat sur la terre.

jeudi 11 août 2011

Bouclier vivant

Sarkozy aime la crise. Les socialistes moins. Car quoi promettre ? S'entêter à s'endetter ? Saigner l'électeur de ravageurs impôts ?.
Sarkozy se complaît dans le scénario de l'urgence qui justifie à plein sa fébrilité pathologique. L'urgence ravaude l'agitation en vertu de circonstances. Sarkozy s'offre en bouclier vivant du krach financier. Dans le même temps, les socialistes musardent à la plage. A l'exception de Ségolène Royal, au dévouement exemplaire, qui garde la maison, qui squatte Solférino en l'absence de ses propriétaires bobos.

Récit

La mémoire des morts est une entreprise destinée à l'échec. Avec ses deux doigts serrés, la prière du crayon évacue des images, suit son récit sur la page. Ces mots taillés d'un corps vivant ratent beaucoup de choses.
Ils creusent l'écart entre vie et fantaisie. Ils s'égarent d'un pas volontaire dans un noir imaginaire. Je les griffonne à ma façon dans l'espoir d'y voir clair à l'horizon. Staël pour le style, F comme fusil, famille, father ou Fairbanks. Papa jouit de toutes les lettres de l'alphabet. Visages en déconfiture dont j'ai croisé la fureur.

mercredi 10 août 2011

Mort à crédit

Les marchés chassent en meute, dézinguent la Grèce. L'Europe latine n'en mène pas large outre mesure. Les pions de la notation asticotent l'Amérique, lui confisquent son étoile de shériff. A Londres, on dégrade pour de bon. L'émeute est le mode d'expression des misères urbaines. On détruit de la valeur. Le vandalisme des quartiers mime la déprédation boursière. On ne croit plus qu'au cri.
Le crédit a perverti l'économie. La dette, maladie des pauvres, contamine la santé des riches. On vit aux frais de la princesse. C'est une colonne infinie à la Brancusi. On a décidé de ne pas fêter le cinquantenaire de la mort de Céline. Or "Mort à crédit" est un roman de génie, une vision précise d'aujourd'hui.