mercredi 30 novembre 2011

A partir de janvier...

Maurice Lévy, le patron de Publicis, clame sur les toits, sur une demi-page du Monde, sa vertu morale, son humble désintéressement, sa discrétion vis-à-vis de l'argent. Pareille bonne conscience, semblable propagande éthique, est tout simplement confondante.
Le titre de l'entretien annonce la couleur. Il laisse songeur. "A partir de janvier 2012, je n'aurai plus de rémunération fixe". Dans le corps du texte, le président citoyen précise le sens du sacrifice: "Je veux "hypermériter" ma rétribution, quelle qu'elle soit".
Le vieux capitaine d'industrie ne s'abandonne pas aux délices du pédalo. Il risque sa légitimité. Ben voyons! Le généreux bénévolat de l'as de la publicité n'intéresse qu'un nombril hypertrophié, dévoré par l'exhibition de son meilleur profil. Je doute qu'il ne passionne le lecteur du Monde.
A partir de janvier, Lulu, senior rangé des voitures, aura perdu son métier. A partir de janvier, Lili, jeune diplômée, n'aura pas trouvé de travail. A partir de janvier, Lola, mère célibataire, ne pourra plus payer ses factures.
Moi-même, à partir de maintenant, j'aurai cessé de lire l'impudique discours de contentement de soi d'un prince frivole, à mille lieues du peuple, à des années-lumière de la crise. Si d'aventure M. Lévy mérite quelque chose, c'est le mépris.

Trop dur

La réalité ne se laisse pas faire. Elle ne s'imagine pas. Elle cultive la démesure comme aucune fiction ne saurait. Sa douce folie dépasse le champ des fantaisies. On ouvre le journal comme un missel selon Hegel. On ouvre le journal comme le livre des records. C'est arrivé près de chez nous.
Un garnement viole un jeune enfant: onze et quatre ans. No comment. Un homme se débarrasse d'un petit garçon de trois ans, l'essore dans un lave-linge. La société est bouche bée.
L'or s'arrache à coups de kalachnikov. L'arme de guerre est monnaie courante dans les ruelles de Marseille.
J'éteins le poste. Je me gratte la tête. Ma femme cherche son briquet. Les volutes de fumée ont déserté les bars-tabac. On enquiquine les clopeurs, qui ne font pas peur. Les étudiants boivent comme des trous. Tout le monde s'en fout. Vente libre dans une jeunesse libre.
On détourne la tête. On change de sujet. On se réfugie dans la parole. On s'abrite derrière l'image. On fait des films. On n'ose pas se mesurer à la réalité. Trop dur.

mardi 29 novembre 2011

Des cavaliers désarçonnés

Personne ne croit plus personne. Surtout les banques qui se regardent en chiens de faïence. Les cartes sont biseautées. On commerce entre menteurs. On interrompt l'échange. Avant la violence du vol.
Le crédit est un acte de foi, vite obsolète quand on toise autrui du coin de l'oeil. Les marchés sont un théâtre d'opérations, un champ de décisions où "l'homme est un loup pour l'homme". Hobbes est tapi dans l'ombre du capitalisme financier. Or la confiance ne se restaure pas comme un monument historique. La vertu des simples a depuis trop longtemps déserté la conscience des princes de notre temps. Leur cupidité n'a d'égale que l'envie du sort d'autrui et la haine des fortunes rivales. Girard a tout écrit sur la question du ressentiment.
L'Europe ment comme un arracheur de faux bilans. On maquille la vérité, un peu comme en France, beaucoup comme en Italie, à la folie comme en Grèce. Même l'Allemagne n'est pas plus fourmi que les pays de plein soleil. L'Europe s'est fardée pour séduire.
La tromperie circule dans l'économie comme un venin destructeur. C'est un serpent qui répand la peur et libère la violence. Si les pactes entre nations ne sont plus respectés, alors la loi ne contraint plus, ne fait plus obligation. La confiance n'est pas rétablie par l'autorité d'un décret. Elle a besoin d'un modèle convaincant. La foi du disciple se calque sur l'exemplarité christique.
Nos économies vivent au-dessus de leurs moyens, survivent en-deçà de leurs ambitions. La comédie se joue depuis des lustres. A guichets fermés. Cela sied à tous, peuples et princes. On y troque les suffrages contre l'Etat-providence. Jusqu'au jour où les marchés rabat-joie suspendent la représentation. Jusqu'au jour où "le prêteur en dernier ressort" renâcle, rechigne, refuse comme un cheval devant l'obstacle. Nous sommes alors des cavaliers désarçonnés.

Le Guépard

"Hectic" est le mot qui s'applique aux figures squelettiques des cités mécaniques. Dans les couloirs de transit, les corps se jettent au devant de leur mort. Ils se désaxent, se déboitent, se ruent à l'assaut du château des désirs.
S'arrêtent les branlants, les mendiants, quémandeurs de l'instant. Ces volontés impérieuses sont des coups de vent sculptés, sortis du couteau de Giacometti. Leur vitesse est une ivresse triste.
Du temps de Garibaldi, dans une Sicile aux âmes éclaboussées de majesté paysanne, j'ai reposé mes yeux au spectacle d'un prince. Les corps du "Guépard" sont lents et souples, leur allure indécise. Ils tournoient entre soi, jouissent d'une luisante décadence, exhibent leurs dernières griffes.
J'ai la nostalgie des fauves ensommeillés qui paressent au soleil. J'ai le goût des splendeurs, du secret des demeures.

Lynchage de l'Allemagne

L'actuelle débandade de la zone euro entaille la crédibilité de l'attelage communautaire. L'Allemagne est brocardée. On stigmatise son dogmatisme monétaire. La chancelière refuse toute politique inflationniste de la banque centrale, au motif d'une douloureuse mémoire, au nom d'historiques misères.
Pas un jour sans que le cercle des experts français ne lui fasse la leçon, ne lui administre un zéro pointé, n'explique que pareil réflexe est de nature à contrarier ses propres intérêts. Il m'est difficile d'imaginer qu'outre-Rhin on méconnaisse autant le sens du devoir national.
Sauf à considérer le peuple allemand comme fauteur de conflits pour l'éternité ou ses laborieux dirigeants comme des benêts congénitaux. Sauf à regarder la situation, du haut de notre arrogance proverbiale, en sermonneurs récurrents.
Je doute de la sottise germanique. Nous assistons à un lynchage de l'Allemagne des plus suspects.

lundi 28 novembre 2011

Nouvelles du front

Abandon de Borloo. Reddition de Villepin. Nullité de Morin. Les petits choses de la République ont ramassé leurs effets et débarrassé le plancher. Morin compte pour rien. Sarkozy a nettoyé l'espace à droite. Opération karcher réussi.
Sarkozy dispose d'un chef de parti un peu trop poli. Copé n'est pas son meilleur copain. Copé colle à son sourire fourbe de traître idéal. C'est le pire adversaire de Sarkozy.
A longueur de journées, à chacune des tournées, Hollande serre des mains. Il réenchante le rêve d'un mouvement de poignet. La foule se lasse un peu de ses yeux de hibou. Joly et Mélenchon jouent aux fléchettes sur ses premières affichettes de campagne. Bayrou amorce son troisième tour de piste en vieux briscard, doyen du scrutin. On connaît sa musique.

vendredi 25 novembre 2011

Jouer sur le central

C'est écrit dans le ciel. A la saison des présidentielles, Bayrou sort de son Béarn natal et remonte sur son cheval. A dos de percheron, il quitte l'hibernation pour les suffrages de la nation.
Bayrou vieillit comme tous les vieux de son pays. Il radote, ressasse, sermonne. L'âge est à la vantardise. Il raconte ses guerres, exhibe ses balafres. Méridional triste, méridional quand même.
Bayrou s'aime au centre. Veut jouer sur le central. Il s'aimerait davantage président. C'est un rêve d'enfant bégayeur et batailleur. Le hic, c'est que Bayrou a toujours raison d'avance. Le peuple, un peu retardé sur les bords, ne le vaut pas. L'autiste du centre est un autocrate dans le sang.