jeudi 5 juillet 2012

Higgs et Joyce

On avait le mot. Boson. Mais pas la chose. Le grand collisionneur vient de la débusquer de sa cachette. Boson existe, on l'a collisionné. Le nom de boson vient de Higgs, un Ecossais. Higgs est un nom dont la sonorité évoque l'inconnue mathématique, le petit x d'une impossible équation.
Dans l'infiniment petit, les noms ont besoin de fantaisie. Ils sont suggérés par nos amis du Royaume-Uni. Dans Finnegan's Wake, Joyce invente le mot quark. Le poète irlandais précède le savant écossais dans le nommage des grandes énigmes de la nature.

mardi 3 juillet 2012

Un salariat sale

Le capitalisme pratique le culte de la marchandise. C'est une religion de la convoitise. Elle ne parle d'autre langue que l'idiome du marché, ne célèbre d'autre idole que l'argent. Pareil mode de production érige la prostitution au centre de son organisation. Le sourire de prostituée transite par la publicité.
Dans l'anonymat d'un monde d'appâts, le salariat légitime l'achat du corps. La force de travail est sollicitée à l'envi comme la prostituée des trottoirs.
Le travailleur manuel vend sa sueur, ses muscles et son coeur à l'ouvrage. Le travailleur intellectuel cède au plus offrant l'agilité de ses neurones.
Dans ce cadre général d'un capitalisme brutal, la prostitution n'illustre qu'un cas particulier d'exploitation. La location libre des sexes n'est pas de nature différente de l'octroi par contrat des bras et cerveaux.
Dès lors, on peut s'interroger sur l'angélisme d'une proposition politique visant à prohiber le commerce de la prostitution. En arrière-plan, on semble identifier les contours d'un tabou, l'interdit moral d'un salariat sale qu'il conviendrait d'éradiquer. La chasse à la grisette flaubertienne témoigne d'une flambée d'idéologie victorienne.

vendredi 29 juin 2012

Hors journal

Au coin de la rue, j'ai su que l'heure était venue. J'ai contourné le kiosque. J'ai dédaigné la pile de papier. Je ne tournerai plus la page. Ce recueil d'expressions, sans soin de rédaction, ne m'est pas plus aimable qu'une porte de prison.
Je quitte une geôle. Je laisse les journaux à leurs moraux éditoriaux. Le plaisir a fui des mots comme d'une roue de vélo. L'actualité s'écrit de plus en plus mal. Désormais j'errerai dans les volumes d'une littérature à la beauté durable, je lirai hors journal.
J'en ai fini avec les petits récits d'écrits de fantaisie. J'ai l'âge des pleines pages de corpus travaillés, nés des seules nécessités.

Détraqué

Le corps ne souffre pas l'inconfort. Il est réglé, à la virgule près, pour l'éternité brève d'une sensation. Il est caréné pour la joie brusque qui empourpre ses peaux.
Une chair sans gloire, chassée du paradis de ses étés, mime une méchanceté de déclassé. Ne reste qu'un bec d'oiseau désailé. Le corps songe au temps de paix de son torse bombé. Il est détraqué. Il est embringuée sur la voie patraque d'une destination terraquée.

mercredi 27 juin 2012

De Sarkozy à Nasri

Les footballeurs sont mal éduqués et peu instruits. Les journalistes qui les interrogent aussi. L'incivilité se propage, de proche en proche, de corporation en corporation, comme la résultante de nos manquements. La société est gangrénée de l'intérieur.
Faute de vocabulaire, à court de richesse lexicale, on emprunte à la force son laconisme de "coup de boule".
Samir Nasri, star millionnaire du sport, parle comme un charretier. Nicolas Sarkozy, président tapageur, s'exprimait comme le chef de bande d'un film d'Audiard. On s'éloigne d'une société policée pour les rivages de terres sans politesse.
Autour des mots "polis" en grec et "urbs" en latin, les langues de notre civilisation ont associé à l'idée de cité un sentiment d'urbanité. Notre époque sans délicatesse a tourné la page de pareille sagesse.

lundi 25 juin 2012

Brune aux yeux noirs

Les présidents n'ont jamais les yeux bleus. Les premiers ministres non plus. Hormis Jospin, à l'exception d'Ayrault.
La parité blonds/bruns n'est pas respectée. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont nécessairement le cheveu foncé. Sauf Villepin. Sauf Ayrault, qui pousse le vice à gouverner d'un regard bleu.
La cinquième république pratique un racisme anti-viking. Un président blond aux yeux bleus n'est pas politiquement correct. Le délit de faciès perdure au sommet de l'Etat depuis plus d'un demi-siècle.
Tout candidat à l'Elysée, de type nordique, doit masquer la photo de son CV pour avoir une chance. La République est brune aux yeux noirs.

dimanche 24 juin 2012

La peur bleue

Le fiasco d'Ukraine illustre un malaise récurrent où les rodomontades masquent la peur nationale d'en découdre. Blanc et ses Bleus se sont sauvés, ont fui devant l'ennemi. Nos matamores du sport ont visé la nullité du score. Il se sont serrés autour de Lloris dans la sotte observance d'une stratégie du pire.
A se recroqueviller devant l'ange gardien, ils exprimaient leur désarroi, appréhendaient leur destin de proie. La couardise est mauvaise conseillère. La reculade érigée en doctrine mérita l'impitoyable châtiment.
Ce jeu contre-nature fit d'un rude arrière un misérable ailier. On envoya Debuchy à la boucherie. Il s'égaya parmi les Rouges le long de la touche. On réveilla Réveillère du banc des "coiffeurs".
Nos fanfarons du ballon rond se tassèrent en pack d'austérité dans un jeu à croissance nulle. Nos filets tremblèrent deux fois. On aurait dit la même peur bleue. La pâle équipe du "Président" claquait des dents. Dans les vestiaires, ils étaient fiers et contents d'eux. On se remémorait le spectre Domenech.