lundi 24 novembre 2008

La chair de Franca

J'aime et je n'aime pas. Ma détestation du cinéma de François Truffaut vient de sa quotidienneté petite bourgeoise, d'une psychologie surannée, d'une mièvrerie à l'image de la fade Claude Jade.
Et pourtant ! La Peau Douce est une pure merveille, un chef d'oeuvre absolu. Mal endormi dans un palace de Carthage, le coup de feu final de Franca m'a réveillé dans la nuit. Ces images de télévision ont hanté mon sommeil. J'ai vu des bribes d'un vieux film sans couleur. Elles ne m'ont pas quitté durant des années.
Hier, l'oisiveté du dimanche m'a conduit au geste machinal du cinéma volontaire. J'assiste au même tragique marivaudage sans perdre une parcelle de pellicule. Françoise Dorléac est rehaussée dans mon souvenir. Fraîcheur des premières caravelles, simplicité des balbutiements yéyé. La volcanique Italienne est sublime. La chair de Franca est pantelante d'une passion inexorable. Les sentiments ne se négocient qu'au fusil. Pierre et Nicole s'entortillent dans une pâle escapade à Reims. La symphonie des jouets est une musique d'enfant unique. Elle plante un poignard dans la gaieté de petite fille. Ratures est un nom de revue sur mesure. La vie ne tolère pas de biffure, aucun repentir de destin, se contente d'une seule prise. Le romancier est dans ses petits souliers. Le visage de Pierre est d'une blancheur de craie, conforme à son piètre désarroi. La femme trahie empoigne la crosse du superposé. Elle endosse sa tunique de tragédienne grecque. Au Val d'Isère, ce restaurant de l'Etoile, tristement disparu, sous la dictée du noir ressentiment, Franca surgit comme un cri. Touche au coeur à la première cartouche. 

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