dimanche 19 août 2012

Les jeunes Chinoises

La volonté ne se regarde en face qu'à condition d'en gommer la grimace. Dans la moiteur du petit jour, j'observe l'immobilité de l'été. Je cours sur les trottoirs.
Révolution de palais à La Madeleine. La Marquise de Sévigné, dans sa fierté chocolatière, ne jouxte plus la roturière épicerie Fauchon. Elle coudoie désormais l'altière Maison du Caviar.
Place de la Concorde, les drapeaux tricolores se dessinent dans le ciel comme des linges morts. Un soleil téméraire dore la pointe triangulaire de l'Obélisque. Le corps de l'édifice est tatoué de vieux graffitis d'Egypte. Il s'applique à écrire la chronique du temps qui passe. Il crayonne le bleu du ciel.
C'est une grande classe dont les maîtres sont juchés sur des trônes. La verticalité de la Tour Eiffel voisine la coupole du Grand Palais, mime au loin le fuselage immédiat de l'exotique trophée. En revanche, l'hôtel de Crillon et le ministère de la marine ont modelé leur bâti, étendu leur maison sur le seul horizon.
La place est piquetée de colonnes muettes qui lèvent le doigt à la question des mêmes professeurs de pierre. Le jardin déverrouille ses grilles. Les jets d'eau brunissent le sable, couleur de craie, de la grande allée. Les jeunes Chinoises trottinent.
Le soleil rougeoie dans l'axe de la grande roue des Tuileries, au raz des toits de la rue de Rivoli. Les baraquements forains rouillent à l'ombre du silence. Le soleil étincelle dans les vitres du Louvre. Ce sont des meurtrières aux yeux d'armes blanches. Miroirs qui réfléchissent une odeur de cadavre, qui renvoient la lumière pâle d'un ciel jaune. Ils clignotent comme un signal de cruauté d'une absolue beauté.
L'eau verdâtre a déteint sur les chaises emmêlées du bassin déserté. Un Nègre, vêtu de kaki, brandit l'une d'entre elles, s'initie à l'haltérophilie. Les mouettes toisent le ciel d'un même battement d'aile.
Je zigzague dans l'allée arrosée. L'Obélisque perce l'entrecuisse de l'Arc de Triomphe. Je gagne l'asphalte en toute hâte.

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