jeudi 27 mars 2014

L'avenir dure longtemps

"A long terme, nous serons tous morts" (A Tract on Monetary Reform, 1923). Keynes économise ses mots. Il manie le trait d'esprit à la Woody Allen. Keynes est le chef comptable d'un temps bref. Il impose sa marotte du court terme.
"A long terme, nous serons tous morts". A court terme, nous le sommes déjà à moitié. La tyrannie du quarter ravage la société. La rentabilité trimestrielle hystérise l'entreprise industrielle. La satisfaction accélérée des pulsions rapetisse l'horizon de civilisation.
A brève échéance, nous agonisons dans l'errance. L'obsession de la proximité témoigne d'une dernière volonté. Elle révèle une terreur de la mort. Dans la peur, on pare au plus pressé, on saisit la monnaie par poignées. On fétichise l'argent qui maximise le temps. Au bourreau, on quémande un rabiot.
De Gaulle se fiche de l'individu, de ses plaisirs, de ses frayeurs. Il raisonne nation. Il pense à l'espèce. Il ratiboise les vanités de base. Il  cible son souci aux antipodes du dandy britannique. "L'avenir dure longtemps"(Mémoires de Guerre/Le Salut, Bibliothèque de la Pléiade, page 659). Althusser, philosophe foldingue, lui chipera ses mots de mémoire longue.
Le court terme n'est jamais qu'un petit temps. L'Europe gesticule, s'agite dans le vide, s'ébroue dans l'inculture. Quand la Russie se cabre, l'Europe sort son sabre de bois. Elle boxe, catégorie poids coq, avec une frénésie de dame patronnesse. On songe à Flaubert. "Reste la morale. C'est faire descendre Dieu au niveau de l'utile" (Bouvard et Pécuchet, Collection Folio, page 308). La morale ne fait pas l'Histoire. L'argent fou met le temps à feu et à sang.
De Gaulle regarde la Chine depuis la moitié d'un siècle. Il ne croit pas à grand chose, peut-être à la réalité. "Le néant qui est devant nous n'a rien de plus affreux que le néant qui se trouve derrière". On dirait de la prose de grand Charles. C'est du Flaubert, toujours réfractaire.




Aucun commentaire: