samedi 12 décembre 2015

L'aveugle


Je dîne face à l’aveugle. Il ôte ses lunettes, dévoile ses yeux. Il baisse sa garde, pose un regard comme s’il jouait cartes sur table. L’homme est disert, faute de lumière. Je suis sourd à son discours.
Sa main choque un vin, cherche l’entame d’un pain. Il narre une vie, parle avec brusquerie; rare est sa fantaisie.
Il est tiré à quatre épingles, n’a pas bougé d’un iota; à peine une boursouflure sur la figure. La serveuse s’enquiert des désirs de gourmandise.
Avant qu’il ne se taise, la brune oranaise évoque ses déboires de coiffeuse. La confidence déblaie le chemin d’une connivence. Jean l’exhorte à lire La Peste.

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