vendredi 2 octobre 2020

J'embrasse pas

J’aiguise l’angle du coude, fusil cassé, crosse et canon disjoints, chair d’os témoin d’urbanité, comme un calice de vin choque un semblable à la main d’autrui. Je suis mauvais joueur. Je ne joins pas mes doigts, les mêle encore moins. Je m’interdis le bonjour réglementaire, le salut sanitaire, l’adieu respectueux. Je suis réfractaire à la simagrée du prieur de trottoir, à l’imposture de faux moine rieur. Je ne courbe pas le dos, ne fléchis point la nuque. Je ne consens pas à la pliure du buste, à la génuflexion de convention. Je répugne à profaner les rites ancestraux, à parodier les saintes liturgies. Je touche le coude de l’autre, du type qui boude, d’une fille de sympathie. Je l’effleure en pugiliste, attentif à l’esquive. Je veille au visage indemne, à la joliesse de faciès comme un boxeur soigne sa droite. Le satanique virus enseigne que la gestuelle de politesse est un art du qui-vive. Le mot d’ordre de la civilité distanciée est avertissement de maison close, sagesse millénaire de préventive prostituée. « J’embrasse pas ».

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