Je romps tout commerce avec Flaubert. Le récit d'artiste nécessite une forme olympique, une plénitude physique. La beauté requiert un corps entier. L'art ment s'il manque de corps.
Ma bouche endolorie suffit à distraire une sensibilité, interdit d'apprécier le dentelé policé du texte ouvragé.
On lit mal dans un lit de malade. Sans grosse santé, on rate la nécessité du sacerdoce. Le mal éloigne du missel. Mon petit volume est fermé comme un visage d'amertume.
Il est fermé pour cause d'inhospitalité. Je sens, donc je suis. Je ressens, donc je m'identifie.
Je songe au livre, à son sourire d'orange, à ses quartiers tranchés, au sang vaillant des phrases enrubannées. J'y songe comme à la sortie d'un mauvais pas. J'y songe comme à l'au-delà.
lundi 10 février 2014
vendredi 7 février 2014
Cruchard et son art
Flaubert, c'est de Gaulle. Il met les points sur les i, défend mordicus sa noble fantaisie, sacralise les intérêts de son pays.
A Sainte-Beuve qui écorche Salammbô, il expédie vingt beaux feuillets. L'Hercule justifie chaque virgule. Il déjoue la mitraille, détaille son colossal travail. Cette lettre est un soleil d'orgueil, un modèle de panache, un sublime baroud d'honneur.
Le feu de Flaubert émeut. Flaubert force Sainte-Beuve à se décoiffer. Le fin lettré est pétrifié sous son fouet. Mea maxima culpa.
Flaubert est trop loin, situe son art trop haut. L'oncle Cruchard monte sur son char. "On ne risque de corrompre personne quand on aspire à la grandeur". Flaubert veille en cerbère sur sa colère.
A Sainte-Beuve qui écorche Salammbô, il expédie vingt beaux feuillets. L'Hercule justifie chaque virgule. Il déjoue la mitraille, détaille son colossal travail. Cette lettre est un soleil d'orgueil, un modèle de panache, un sublime baroud d'honneur.
Le feu de Flaubert émeut. Flaubert force Sainte-Beuve à se décoiffer. Le fin lettré est pétrifié sous son fouet. Mea maxima culpa.
Flaubert est trop loin, situe son art trop haut. L'oncle Cruchard monte sur son char. "On ne risque de corrompre personne quand on aspire à la grandeur". Flaubert veille en cerbère sur sa colère.
jeudi 6 février 2014
La côte sauvage
Gallimard. Le rouquin, qui jongle avec les bouquins, règne en son jardin. J'identifie le muet visage à peau blême de l'altière caissière.
On se salue sans faire une ride au silence. L'homme est svelte, pas jeune pour autant. La femme est fardée comme la Roberte de Klossowski.
Je songe à un troisième larron, mort d'un chagrin du sang, homme à bedon, le plus érudit de la maison. Il m'enseigna une certaine joie. Je lui dois la manière de caler un corps au format du livre d'art.
Les hommes raccourcissent comme les jours. Les livres condensent du temps sur des étagères de poussière. Le lieudit librairie se prête au recueillement des yeux.
J'abrège les courtoisies. Dès l'entrée, je dégringole l'escalier spiralé. Au rayon des livres miniatures, je remue mes souvenirs d'alphabet. Après Hugo, avant Ionesco. Je saisis Huguenin dans ma main. Le dernier livre d'Hallier s'appelle Je Rends Heureux. A cause des initiales de Jean-René Huguenin, son copain de Tel Quel.
L'aimé de Gracq et Mauriac a laissé un roman et un journal, tassés joue contre joue, égarés au rez-de-chaussée, au bas de l'escalier. Pour la Bretagne, mieux qu'un guide, j'ai besoin de relire des pages de La côte sauvage.
On se salue sans faire une ride au silence. L'homme est svelte, pas jeune pour autant. La femme est fardée comme la Roberte de Klossowski.
Je songe à un troisième larron, mort d'un chagrin du sang, homme à bedon, le plus érudit de la maison. Il m'enseigna une certaine joie. Je lui dois la manière de caler un corps au format du livre d'art.
Les hommes raccourcissent comme les jours. Les livres condensent du temps sur des étagères de poussière. Le lieudit librairie se prête au recueillement des yeux.
J'abrège les courtoisies. Dès l'entrée, je dégringole l'escalier spiralé. Au rayon des livres miniatures, je remue mes souvenirs d'alphabet. Après Hugo, avant Ionesco. Je saisis Huguenin dans ma main. Le dernier livre d'Hallier s'appelle Je Rends Heureux. A cause des initiales de Jean-René Huguenin, son copain de Tel Quel.
L'aimé de Gracq et Mauriac a laissé un roman et un journal, tassés joue contre joue, égarés au rez-de-chaussée, au bas de l'escalier. Pour la Bretagne, mieux qu'un guide, j'ai besoin de relire des pages de La côte sauvage.
L'Europe foire
Hollande exprime peu de sympathie pour Merkel et Cameron. Il dédaigne Rajoy, exècre Barroso. Les politiciens se regardent en chiens de faïences.
L'Europe est une utopie détachée de nos rêveries. C'est un club de faux amis. La concorde n'est pas dans nos cordes. La franche camaraderie n'a pas succédé aux tueries. Les saignées du passé n'enseignent que le ressassé. Les nations noient le poisson dans un poker menteur d'arrière-boutique.
Dans son Eloge des frontières, Régis Debray met le doigt sur la haine de soi. "Quand on ne sait plus qui l'on est, on est mal avec tout le monde - et d'abord avec soi-même" (Folio, page 52).
L'Europe organise la libre circulation de la violence: circuit de marchandises, toboggan de capitaux, transit des hommes. L'Europe s'avachit dans la mélancolie. L'Europe foire, allume ses derniers pétards.
L'Europe est une utopie détachée de nos rêveries. C'est un club de faux amis. La concorde n'est pas dans nos cordes. La franche camaraderie n'a pas succédé aux tueries. Les saignées du passé n'enseignent que le ressassé. Les nations noient le poisson dans un poker menteur d'arrière-boutique.
Dans son Eloge des frontières, Régis Debray met le doigt sur la haine de soi. "Quand on ne sait plus qui l'on est, on est mal avec tout le monde - et d'abord avec soi-même" (Folio, page 52).
L'Europe organise la libre circulation de la violence: circuit de marchandises, toboggan de capitaux, transit des hommes. L'Europe s'avachit dans la mélancolie. L'Europe foire, allume ses derniers pétards.
mercredi 5 février 2014
Moi et mon mal
Le mal batifole sous l'émail. La mâchoire est un gong, une caisse de résonance où vagabonde la souffrance. J'ai la sensation d'une dentition aux terribles allitérations.
J'ai la bouche pleine de fièvre. J'absorbe de la purée de neige. Je dissous des pilules dans de l'eau qui pétille. Le médicament se moque toujours du patient. Le mal se conjugue au présent. Un présent qui dure, qui s'endure jusqu'au futur.
Je quémande le sentiment du rafistoleur de quenottes. Le docte officier à sourire carnassier montre ses dents de financier. Il me trimbale, moi et mon mal, jusqu'aux calendes grecques. Il se soucie de mes ennuis buccaux comme d'une guigne.
A la Pitié-Salpêtrière, l'atmosphère évoque une criée de bord de mer, s'apparente au bourdonnement d'une salle des marchés. Les portes claquent comme des dents malades. L'écran affiche les numéros gagnants. C'est le mien - mais pas tout de suite - qui clignote.
L'urgence est une récompense. Je déplie mon squelette pour un oscar de starlett. C'est une jeune toubib, Sherry-Lynn, qui m'exhorte à prononcer le mot "cerise". Ma dent n'est pas l'aimée des fées: elle est nécrosée.
J'ai la bouche pleine de fièvre. J'absorbe de la purée de neige. Je dissous des pilules dans de l'eau qui pétille. Le médicament se moque toujours du patient. Le mal se conjugue au présent. Un présent qui dure, qui s'endure jusqu'au futur.
Je quémande le sentiment du rafistoleur de quenottes. Le docte officier à sourire carnassier montre ses dents de financier. Il me trimbale, moi et mon mal, jusqu'aux calendes grecques. Il se soucie de mes ennuis buccaux comme d'une guigne.
A la Pitié-Salpêtrière, l'atmosphère évoque une criée de bord de mer, s'apparente au bourdonnement d'une salle des marchés. Les portes claquent comme des dents malades. L'écran affiche les numéros gagnants. C'est le mien - mais pas tout de suite - qui clignote.
L'urgence est une récompense. Je déplie mon squelette pour un oscar de starlett. C'est une jeune toubib, Sherry-Lynn, qui m'exhorte à prononcer le mot "cerise". Ma dent n'est pas l'aimée des fées: elle est nécrosée.
mardi 4 février 2014
La photo fait des fautes
J'ai voulu cette photo. L'ai convoitée d'arrache-pied. C'est une carte postale frontale qui touche dans le mille de la prunelle. Je l'ai sous les yeux. Je l'observe à qui mieux mieux.
Le visage n'est pas domestiqué dans un cadre écaillé. L'homme franchit la borne. Il a des ailes, des battements de cils pour exil.
C'est une photographie d'avant ma vie. C'est un cliché d'époque, opaque et léché. Le hasard en fait un regard. Je suis dans l'axe de sa face, de profil à ma table de fils.
J'ai voulu cette photo. Je l'ai voulu comme on mendie dans la rue. Je l'ai trop vue. Elle me cache les miennes, mes images souveraines.
La photo fait des fautes à tous mes mots. J'ai engrangé d'autres regards qui ne tiennent qu'à mon art. Je veux revoir les images d'avant la mort qui sont noyées dans mon corps.
Le visage n'est pas domestiqué dans un cadre écaillé. L'homme franchit la borne. Il a des ailes, des battements de cils pour exil.
C'est une photographie d'avant ma vie. C'est un cliché d'époque, opaque et léché. Le hasard en fait un regard. Je suis dans l'axe de sa face, de profil à ma table de fils.
J'ai voulu cette photo. Je l'ai voulu comme on mendie dans la rue. Je l'ai trop vue. Elle me cache les miennes, mes images souveraines.
La photo fait des fautes à tous mes mots. J'ai engrangé d'autres regards qui ne tiennent qu'à mon art. Je veux revoir les images d'avant la mort qui sont noyées dans mon corps.
lundi 3 février 2014
Les cartes postales
Il est mal rasé comme un bobo décomplexé. Ses déplacements le montrent souriant, hédoniste, jouisseur. Il applaudit Carla, décore le maire d'un patelin ici ou là. Il se promène en son vaste domaine. Il plagie Raffarin, maître en fragments finauds. "Là où la mer est passée, elle revient".
Je crains que le bonheur désinvolte du flâneur n'insupporte le travailleur. Il casse l'ambiance de souffrance. Sarkozy se conduit mal avec ses cartes postales.
Sa décontraction démoralise un peu plus la nation. Sa liberté de bord de plage, sur fond de ciel bleu, blesse un électorat soucieux, laborieux, malheureux.
La posture de Sarkozy accrédite l'injustice comme une seconde nature. C'est un ratage de communication dans les grandes largeurs.
De surcroît, sa fantaisie hautaine à dédaigner la primaire s'apparente à une stratégie de guerre. Elle favorise ce qui divise. Elle émiette la droite.
Elle souligne un penchant suspect à refuser l'égalité. La nécessité d'un passe-droit révèle une fragilité. L'exigence de facilité entache sa légitimité.
En revanche, il jouirait d'une posture de grand seigneur à se caler sur la même ligne de compétiteurs que ses anciens "collaborateurs".
Refuser de rentrer dans le rang l'expose au pari risqué du plébiscite sondagier, lourd de ressentiment.
Je crains que le bonheur désinvolte du flâneur n'insupporte le travailleur. Il casse l'ambiance de souffrance. Sarkozy se conduit mal avec ses cartes postales.
Sa décontraction démoralise un peu plus la nation. Sa liberté de bord de plage, sur fond de ciel bleu, blesse un électorat soucieux, laborieux, malheureux.
La posture de Sarkozy accrédite l'injustice comme une seconde nature. C'est un ratage de communication dans les grandes largeurs.
De surcroît, sa fantaisie hautaine à dédaigner la primaire s'apparente à une stratégie de guerre. Elle favorise ce qui divise. Elle émiette la droite.
Elle souligne un penchant suspect à refuser l'égalité. La nécessité d'un passe-droit révèle une fragilité. L'exigence de facilité entache sa légitimité.
En revanche, il jouirait d'une posture de grand seigneur à se caler sur la même ligne de compétiteurs que ses anciens "collaborateurs".
Refuser de rentrer dans le rang l'expose au pari risqué du plébiscite sondagier, lourd de ressentiment.
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